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DERNIÈRES PRIÈRES.

procès, qui n’en dit rien, l’attribue uniquement au repentir du coupable. Or, le procès est contemporain des événements et l’expression de la pensée des juges. Quoi qu’il en soit, Gilles avait assez de foi et une idée trop vraie de la honte dernière que son supplice entraînait après lui, pour ne pas apprécier la grandeur d’une telle grâce : il en remercia vivement le président de Bretagne et demanda que son corps fût inhumé en l’église du « moustier » des Carmes de Nantes : « ce de quoy fut content mondit seigneur le président. » Encouragé par les faveurs qu’il venait d’obtenir, Gilles osa en demander une troisième à Pierre de l’Hospital : ce fut d’intercéder pour lui auprès de l’évêque de Nantes et des gens de son église « pour que demain, avant que ledit Gilles et ses ditz serviteurs fussent exécutez, ils voulseissent faire procession générale pour prier Dieu pour ledit Gilles et ses ditz serviteurs, de les tenir en ferme créance à leur salut. » Pierre de l’Hospital promit d’user de son influence auprès de l’évêque pour lui obtenir cette dernière grâce. Ainsi se terminèrent les longs débats de cette cause à jamais mémorable dans les annales de la justice. Le condamné fut ramené dans sa prison, et la foule, silencieuse ou bruyante, s’écoula lentement du Bouffay, livrée à mille sentiments divers. Aussitôt les préparatifs de l’exécution furent commencés[1].

L’histoire ne raconte pas de quels sentiments fut remplie la dernière nuit de Gilles de Rais ; mais si l’on peut quelquefois consulter utilement la vraisemblance, on s’imagine facilement ce que furent les derniers moments du maréchal dans sa prison, après surtout ce qui venait d’avoir lieu. En tout homme qui garde à la dernière heure la libre jouissance de toutes ses facultés, il est des choses qui reviennent inévitablement remuer le cœur, en se présentant, vives et animées, à l’imagination surexcitée, chacune apportant à l’âme bonheur ou tristesse, joies ou remords, selon que la vie a été bonne ou mauvaise. Le passé, la famille qui nous fut chère, nos

  1. Proc. civ., fo 408, ro, au fo 413, ro.