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GILLES DE RAIS.

car j’espère de la grâce de Notre-Seigneur, qu’après avoir été la cause des fautes qui ont amené leur mort, je serai, par mes paroles et par mes exemples, la cause de leur salut. » Cette touchante prière avait ému tous les cœurs, même ceux qui étaient le plus animés à sa perte : quelque horreur, en effet, qu’on ait conçue du coupable à la pensée et à la vue de ses crimes, il est impossible de rester insensible à la vue et à la pensée de pareils sentiments de repentir. Cette âme secouait ses ailes souillées de fange et de sang, et, peu à peu, s’élevait vers les hautes et sereines régions de la foi et de l’expiation ; le cœur, purifié par de généreux sentiments, redevenait noble ; l’homme primitif, qui avait précédé la chute, apparaissait de nouveau avec toute son élévation morale : c’est en quoi Gilles de Rais, qui fut un monstre de crimes, se distinguera toujours des autres hommes mauvais, qui ont fait souffrir leurs semblables. Car ce grand pécheur a été changé en un homme nouveau par le malheur et par la grâce ; la pierre d’achoppement, par une métamorphose merveilleuse, est devenue un apôtre et un prosélyte.

De semblables dispositions étaient propres à lui concilier l’esprit de ses juges : le président de Bretagne exauça sa prière. Bien plus encore, pour récompenser son repentir, non content de lui accorder la grâce qu’il demandait de mourir le même jour que ses deux serviteurs et sous leurs yeux, il lui donna cette dernière et suprême consolation, que son corps ne serait pas réduit en cendres, mais qu’on le retirerait du feu avant qu’il fût embrasé ; qu’il serait mis dans une « châsse » et enterré dans la ville de Nantes et dans l’église qu’il plairait à Gilles de choisir. Le procès dit expressément que cette faveur était accordée à son grand repentir. Michelet parle autrement : il assure que ce fut « par ménagement pour sa puissante famille et pour la noblesse en général. » Qui a raison, de l’historien ou du procès ? Il n’y a pas à hésiter. Il est possible que la puissance d’une grande famille et de la noblesse en général ait été pour quelque chose dans cette faveur insigne : Michelet l’assure ; mais le