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DERNIÈRES PRIÈRES.

niers aveux : il n’y avait plus aucun motif de retarder encore la condamnation. Lorsque Gilles eut cessé de parler, Pierre de l’Hospital, se tourna « vers son conseil » et demanda le sentiment de chacun des assesseurs. L’avis unanime fut que Gilles méritait la mort ; mais tous ne s’entendirent pas sur le genre de supplice qui devait expier de pareils crimes. Longtemps, sur ce point, les avis furent partagés ; enfin, après mûre délibération, le président de Bretagne déclara que l’accusé avait encouru les peines « pécunielles », dont il avait été menacé pour sa félonie, c’est-à-dire l’amende de cinquante mille livres, et que cette somme serait acquise au duc de Bretagne ; quant à la peine due à ses autres crimes, il prononça que Gilles serait pendu et brûlé vif au gibet de la Biesse[1]. Puis, s’adressant au condamné : « Criez merci à Dieu, lui dit-il, et disposez-vous à mourir en bon état, avec un grand repentir d’avoir commis de tels crimes ! Demain, à onze heures, la sentence portée contre vous sera exécutée. »

Gilles de Rais fit une réponse pleine de foi et d’émotion. De ce moment, aux yeux de sa foi chrétienne, la mort entrait dans l’ordre de l’expiation. Il commença par remercier Dieu et le président de Bretagne de lui avoir notifié l’heure de sa mort ; puis il ajouta en s’adressant à son juge : « Puisque Henriet et Poitou, mes serviteurs, et moi, nous avons commis ensemble les crimes énormes et affreux pour lesquels nous sommes condamnés à mort, qu’il vous plaise, Monseigneur, que nous en subissions la peine ensemble et que nous soyons exécutés à la même heure. Je suis la cause et le principe de leurs fautes ; je puis les soutenir dans la mort et les avertir de leur salut, à l’heure du trépas ; je puis surtout leur montrer l’exemple de bien mourir. Car, s’il en est autrement, si mes serviteurs ne me voient pas mourir, ils pourront tomber dans le désespoir ; ils pourront s’imaginer que je resterai impuni, moi, la cause de leurs crimes ; donnez-moi donc cette faveur :

  1. Ou de la Bièce. La Biesse était une prairie située au-dessus des ponts de Nantes.