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LE PROCÈS CIVIL.

pour les coupables, que les petits fussent sacrifiés aux grands. En songeant à la condamnation de Henriet et de Poitou, on se rappelle involontairement le procès fait aux assassins de Gilles de Bretagne, les moins coupables punis de mort, et le plus criminel, Guillaume de Montauban, épargné, parce qu’il était puissant, et bientôt archevêque de Bordeaux, parce qu’il était habile. Cette même justice, en effet, en même temps qu’elle condamne, sans tant de précautions, Henriet et Poitou au feu, remet à plus tard la cause de Gilles, sous prétexte que l’Église lui fait aussi son procès : elle attendra que l’évêque et le vice-inquisiteur aient prononcé sur la culpabilité de l’accusé ; en un mot, le duc semble heureux de se mettre à couvert derrière l’évêque : aux yeux des grands, qui, d’après Monstrelet, furent si affligés de la mort du maréchal, Jean V a son excuse toute trouvée : elle est dans le procès intenté et conduit par l’évêque de Nantes. Tout aussitôt, en effet, que la justice ecclésiastique aura prononcé, la condamnation à mort par la cour séculière sera proche.

Dans le cours du procès ecclésiastique, on a vu que le président de Bretagne, Pierre de l’Hospital, sénéchal de Rennes et juge universel du pays, assista à la plupart des séances. C’est à lui que Gilles s’adresse, le jour où, hautain et intraitable, il en appelle de l’évêque et du vice-inquisiteur à son autorité pour échapper aux mains de ses juges ecclésiastiques ; c’est lui qui préside à l’interrogatoire de Gilles, dans la chambre de la Tour-Neuve qui lui sert de prison ; le lendemain et les jours suivants, il assiste à la confession publique du maréchal ; il est présent, enfin, lorsque les juges ecclésiastiques prononcent contre l’accusé leurs sentences définitives : ainsi, sous les yeux et par le ministère même du président de Bretagne, s’instruisait l’affaire pour le compte de la justice séculière. Pierre de l’Hospital fit plus encore : en même temps que les témoins étaient interrogés au nom de l’évêque et du vice-inquisiteur, il multipliait, par le ministère des greffiers de la cour civile, les interrogatoires et les enquêtes. Neuf témoins, appelés des divers points du pays, avaient déjà