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SES AVEUX.

des démons, de Barron en particulier, par ordre de Gilles de Rais, tant en sa présence que durant son absence : « J’ai moi-même, reprit Gilles là-dessus, assisté à deux ou trois évocations, en particulier à mon château de Tiffauges et à Bourgneuf-en-Rais ; mais je n’ai jamais vu ni entendu aucun démon, bien que j’aie transmis à Barron, par le ministère de maître François[1] une cédule écrite de ma propre main, signée de mon nom avec mon propre sang : je m’y obligeais envers lui, comme son fidèle sujet, à faire toutes ses volontés, mais à la condition toutefois que je fusse à l’abri de tout danger et pour mon âme et pour ma vie ; en même temps je lui promettais les mains, les yeux et le cœur d’un enfant. » Interrogés de nouveau d’une manière plus précise sur ce fait particulier, les deux coupables avouèrent, ainsi que Prélati l’avait déjà confessé, qu’ils avaient offert au démon ce sanglant hommage. Enfin, Prélati déclara que pour lui il s’en rapportait à ses propres aveux. Après ces mots, le président de Bretagne donna l’ordre de ramener François Prélati dans sa prison. Alors Gilles de Rais, pleurant et sanglotant, se tourna vers son ami, et, le regardant avec tristesse, il lui adressa ces paroles, les dernières qu’il lui ait dites : « Adieu ! Françoys, mon amy ! jamais plus ne nous entreverrons en cest monde ; je pri à Dieu qu’il vous doint bonne patience et cognoissance ; et soyez certain, mais que vous ayez bonne pacience et esperance en Dieu, que nous nous entreverrons en la grant joye de Paradis : priez Dieu pour moi et je prieray pour vous ! » Et, disant ces mots, il embrassa tendrement Prélati, qui se retira. Ainsi finit cet interrogatoire : Gilles de Rais y fit des aveux complets et librement, sans torture, quoi qu’en aient dit les historiens[2]. Lorsque François Prélati fut sorti, l’évêque de Saint-Brieuc et le président de Bretagne quittèrent eux-mêmes la chambre de Gilles de Rais et descendirent vers les juges ecclésiastiques

  1. Prélati confirma ce fait.
  2. Vallet de Viriville, Hist. de Charles VII, l. c.