Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/320

Cette page a été validée par deux contributeurs.
297
DÉNÉGATIONS.

inquisiteur et aux autres ecclésiastiques de leur avoir parlé la surveille en termes si injurieux et d’avoir prononcé contre eux des paroles « sinistres ». Une telle soumission après une telle fureur serait faite pour étonner, si l’on ignorait que les âmes mobiles sont sujettes à ces contradictions. Peut-être aussi faut-il voir dans cette transformation, qui fut encore incomplète, un effort de ce cœur abaissé par le mal, mais cherchant à se relever vers le bien.

Non moins charmés que surpris de ce changement aussi subit qu’inespéré, l’évêque et le vice-inquisiteur lui déclarèrent que, par amour pour Dieu, ils lui pardonnaient volontiers les excès auxquels il s’était porté contre eux. De son côté, le promoteur se hâte de profiter des heureuses dispositions de l’accusé afin de l’engager par ses propres serments : il demande et il obtient que l’on passe à la discussion et aux preuves de l’acte d’accusation. Gilles déclare qu’il y consent volontiers ; il fait même le serment de ne rien cacher de la vérité. L’évêque de Saint-Brieuc, Jean Prégent, lui donne lecture en latin de tous les points de l’accusation et les lui expose ensuite en français l’un après l’autre. Il n’avait pas fini que le maréchal déclara spontanément que plusieurs de ces articles étaient certains et qu’il en reconnaissait toute la vérité. « Il est vrai, dit-il, que l’Église de Nantes a son église cathédrale et son évêché bien délimité ; il est vrai que, depuis vingt ans, Jean de Malestroit en occupe avec honneur le siège épiscopal ; il est vrai que je suis justiciable de son tribunal dans les choses spirituelles et que les châteaux de Machecoul et de Saint-Étienne-de-Mer-Morte sont situés dans les limites de son diocèse ; il est vrai aussi que j’ai reçu le baptême et renoncé au démon, à ses pompes et à ses œuvres. » Jusque-là, comme on le voit, le maréchal ne s’engageait pas beaucoup : la suite prouve qu’il était loin encore de faire des aveux complets, car elle diffère singulièrement de ce qui précède. « Mais que j’aie ou invoqué moi-même ou fait invoquer par d’autres les esprits malins, s’écrie-t-il ; que je leur aie offert ou fait offrir des sacri-