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GILLES DE RAIS.

même façon que Gilles, serait traité de la même manière par nos tribunaux contemporains : pour entraver la marche de la justice, le moyen serait trop facile, s’il suffisait à l’accusé de récuser ses juges : contre de tels appels, autrefois comme aujourd’hui, la loi fortifiait la justice, et il serait déraisonnable de faire un crime aux juges de Nantes d’une action qu’on serait tout disposé à louer dans les juges d’une cour d’assises. Cependant, pour permettre au baron d’assister à l’acceptation de l’acte d’accusation par le tribunal, et au promoteur de produire les témoins à charge, les juges fixèrent la prochaine séance au samedi suivant, 15 octobre ; les témoins y seraient reçus à prêter serment en présence de Gilles et le baron lui-même admis de nouveau à présenter la défense.

La séance, qui durait depuis plusieurs heures déjà, au milieu des sentiments les plus divers des assistants, fut close par la lecture des lettres de pouvoirs, accordées par Guillaume Mérici, grand inquisiteur de France, en faveur de Jean Blouyn, comme vice-inquisiteur de la foi dans la ville et dans le diocèse de Nantes. Les droits de l’évêque étaient clairs aux yeux de tous, et même de l’accusé ; ceux du vice-inquisiteur ne l’étaient pas moins. Gilles cependant, qui, au 19 septembre, avait d’abord déclaré qu’il acceptait pour juge tout inquisiteur de la foi, quel qu’il fût, venait de forfaire hautement à sa parole en rejetant la juridiction de frère Jean Blouyn. Avant de passer outre, il convenait que cette autorité légitime fut mise avec évidence dans son jour et que tout soupçon d’illégalité fut écarté avec le plus grand soin. Les lettres patentes du grand inquisiteur de France furent donc produites devant la foule. Elles étaient écrites en latin, sur parchemin, munies du sceau de Guillaume Mérici sur cire rouge, appendu au papier par une queue également en parchemin. En voici le texte dans son entier : nous le donnons ici, car c’est la pièce la plus importante qui nous soit restée sur le second juge de Gilles de Rais.

« Guillaume Mérici, de l’Ordre des Frères Prêcheurs,