Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/297

Cette page a été validée par deux contributeurs.
274
GILLES DE RAIS.

d’accéder à sa demande. Il n’aurait pu d’ailleurs en appeler qu’au pape, dont il ne prononça pas le nom ; car de songer à se soustraire à la justice de l’Église, aux mains de laquelle il était tombé, il ne pouvait avoir l’idée, si ce n’est pour échapper du même coup au châtiment. Or, si les formes du droit ne doivent jamais être supprimées, c’est quand elles offrent des garanties de justice pour les victimes et de sévérité pour le coupable. Enfin l’appel de Gilles était encore nul et « frivole », parce qu’il avait déjà solennellement reconnu et accepté la juridiction de l’évêque et du vice-inquisiteur. Par conséquent, qu’il ne compte point sur un délai : une telle cause n’en souffre pas. Cependant les juges protestent qu’ils ne l’accusent point par esprit d’animosité et qu’ils ne le chargeront en quoi que ce soit par malice ou par haine. Si Michelet ose avancer, sur ce point, « qu’on ne pouvait nier que ses juges ne fussent ses ennemis, et que, pour ce motif, il les récusa[1] », c’est qu’il en croit plus volontiers son imagination que la vérité. Ses ennemis, rien ne le fait supposer ; bien au contraire, l’ensemble du procès contient à l’endroit de l’accusé des ménagements, qui prouvent bien que ses juges obéissaient à tout autre sentiment qu’à celui de la haine. Si Gilles en appelait du tribunal ecclésiastique, c’est qu’il espérait sans doute échapper à la juridiction, des juges de l’Église et se faire, contre la justice prête à le frapper, un abri de sa fortune, de sa famille et de son crédit. En rejetant cet appel comme « frivole » et non avenu, les juges cédèrent, non pas à la haine, mais au sentiment de la justice, impérieusement réclamée par les témoins et les familles en larmes.

À la fin cependant, en présence de l’état de son esprit et devant cette rébellion publique, l’évêque et le vice-inquisiteur lui accordèrent quelques jours de répit, pour lui permettre de réfléchir sur son cas et d’aviser à répondre aux accusations si précises du promoteur. Gilles reprit alors :

  1. Michelet, Hist. de France, t. I, p. 210.