Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/293

Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
GILLES DE RAIS.

raître devant l’évêque de Nantes comme devant son juge : « Il reconnaissait d’avance, ajoutait-il, tout autre juge ecclésiastique et il se faisait fort de se laver de telles accusations en présence de n’importe quel inquisiteur. » Par un défi si plein d’assurance, le maréchal manifestait une fermeté, qui, sans aucun doute, n’était pas au fond de son cœur ; mais, en affectant de se dire innocent, il espérait en imposer à ses juges par une tranquillité apparente. Encore quelques jours, en effet, et ce calme dont il fait parade, au trouble de son âme s’évanouira, aussi bien dans ses paroles que dans ses actes : celui qui paraît aujourd’hui si soumis à ses juges deviendra un révolté, aussi dédaigneux de leur juridiction qu’il avait été empressé à la reconnaître. Dans cette occasion, Jean de Malestroit, se rendant à ses désirs, appela vers lui comme juge auxiliaire, frère Jean Blouyn, de l’Ordre des Frères-Prêcheurs, vice-inquisiteur de la foi pour le diocèse de Nantes ; puis il renvoya au 28 septembre l’audition des témoins pour les deux parties[1].

Le mercredi, 28 septembre, le tribunal se réunit de nouveau au complet dans la chapelle du « manoir » épiscopal de l’évêque de Nantes. Devant l’évêque, Jean de Malestroit, le vice-inquisiteur, et les quatre notaires, greffiers de la cour ecclésiastique[2] comparurent les témoins à charge. Michelet a fait, en quelques traits, le tableau saisissant de ces dépositions douloureuses, nous montrant : « une foule de témoins, pauvres gens, qui venaient à la file, pleurant et sanglotant, raconter avec détails comment leurs enfants avaient été enlevés[3]. » Leurs larmes et leurs gémissements ajoutaient encore à l’horreur des crimes qu’ils venaient dévoiler, et l’étendue de leur malheur se mesurait à celle de leur peine.

  1. Proc. ecclés., séance du 10 septembre, p. v. Étaient présents, outre les juges, maître Olivier Lesou, curé de Bouvron, et Jean Durand, curé de Blain.
  2. Delaunay, Jean Petit, Géraud et Lesné.
  3. Michelet, l. c. — « Quæ (personæ) eisdem domino episcopo et vicario inquisitoris predicti exposuerunt lacrimabiliter et dolorose consquesta fuerunt de perdicione filiorum et nepotum… » Proc. ecclés., Enq. du 28 sept, p. VI.