Page:Bossard - Gilles de Rais dit Barbe-Bleue, 1886.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
GILLES DE RAIS.

Michelet a dit de Gilles de Rais : « Il n’eût jamais été accusé ni jugé, sans cette circonstance singulière que trois puissances, ordinairement opposées, semblent s’être accordées pour sa mort : le duc, l’évêque et le roi[1] ; » et sur ce thème, le brillant historien a écrit une page que chacun sait. Or, le duc ne prit point l’initiative des poursuites, et le roi, même de loin, n’eut point de part au procès. Nous prouverons bientôt, documents originaux à la main, ce que nous affirmons de Jean V ; quant à Charles VII, il suffit de remarquer, que, deux années plus tard, il ordonna de travailler à un procès de réhabilitation de la mémoire de Gilles de Rais : or, l’on ne saurait admettre, qu’à deux ans de distance, le même roi de France eût ordonné et de condamner un homme à mort et de venger sa mémoire. Les termes de l’acte royal, que nous publierons plus tard, sont plus qu’injurieux pour le duc de Bretagne et les juges de la cour séculière de Nantes. On peut donc conclure, en corrigeant le mot de Michelet, et dire que le roi de France ne fut pour rien dans le procès, que le duc de Bretagne n’en eut pas l’initiative, et que l’honneur principal, pour ne pas dire tout entier, en revient à l’évêque de Nantes.

En parcourant les antiques chroniques de la Bretagne et les quelques biographies qui ont parlé de Gilles de Rais, il nous était arrivé plusieurs fois de rencontrer la trace d’un fait si honorable pour l’évêque de Nantes. « Son procès, disait d’Argentré, fut fait par le juge de l’Église, sur un diffame public et scandale, dont il fut chargé parmi le peuple ; assistant le juge séculier, comme étant plusieurs desdits crimes de la connaissance de l’un et de l’autre[2]. » Mais, encore éloignés des documents originaux que nous avons aujourd’hui sous les yeux, nous mettions sur ces paroles ce signe de doute qui enveloppe toujours un document de seconde main. Aujourd’hui, autour de ce point si intéres-

  1. Michelet, Histoire de France, t. V, l. c
  2. Histoire de Bretagne, p. 795.