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GILLES DE RAIS.

seigneur eût rendu à Gilles de Rais d’autres services que les devoirs obligés d’un écuyer envers son maître. Comme il l’avoue lui-même, et comme le prouvent d’ailleurs, à défaut de sa sincérité, les accusations accablantes de Gilles, d’Henriet et de Poitou[1], il fut l’un de ces compagnons d’aventures, qui parcouraient les campagnes avoisinantes de Machecoul et de Champtocé, de Tiffauges et de Nantes, pour enlever les enfants et les jeter en pâture à la « bête d’extermination. » Il est vrai que Roger de Bricqueville, s’il faut l’en croire, ne se doutait pas du triste sort qui était réservé aux victimes ; qu’un jour cependant, cinq ans environ avant le 26 octobre 1440, il lui vint des soupçons sur la terrible réalité, et qu’épouvanté par ses doutes, il quitta bientôt pour jamais le service et la compagnie du maréchal de Rais : mensonge évident et odieux, que l’on est étonné de voir accueilli et appuyé dans les lettres de grâce. Roger de Bricqueville n’ignorait rien, absolument rien, des plaisirs et des crimes de Gilles ; il en a pris sa part, et l’une des plus lourdes : c’est Gilles lui-même, son maître, c’est Poitou, c’est Henriet, ses compagnons de débauches, de meurtres et d’orgies, qui l’affirment ; et leurs paroles sont vraies. La lâcheté de Roger de Bricqueville, pour sauver ses jours, eut encore recours au mensonge, qui n’est d’ailleurs qu’une forme de la lâcheté, et la plus méprisable[2].

Dans la foule des complices de Gilles de Rais, à côté des hommes que nous venons de nommer, il faut remarquer enfin plusieurs femmes âgées, perdues de mœurs, versées depuis longtemps dans un commerce infâme[3]. Il appartenait aux familiers du maréchal de les embaucher à son service et de leur apprendre le rôle qu’elles devaient jouer. En même temps qu’ils enlevaient de vive force les enfants des villes et des campagnes, ces femmes, avec leur adresse naturelle, deve-

  1. Proc. ecclés. et civ. ; v. surtout Proc. civ., Conf. de Gilles, fo 393, ro ; Conf. de Poitou, fo 385, ro.
  2. Lettres de Rémission ; Proc. ecclés. et civ., passim.
  3. Proc. ecclés., Acte d’acc., p. XXV, art. XXVIII ; dép. de Blanchet, p. LXXVII.