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GILLES DE RAIS.

La première observation que fit le peuple, fut de remarquer que l’espace, où avaient lieu ces disparitions, bien qu’étendu, était cependant borné, et qu’il ne dépassait guères les limites d’Angers à Pouzauges, de Pouzauges à Vannes, de Vannes à Nantes et de Nantes à Angers. Cette première donnée — rien ne rend attentif comme le malheur — le conduisit naturellement à une autre, tout aussi féconde en conclusions : dans l’étendue de ce pays, où les disparitions étaient-elles plus fréquentes et plus remarquées ? Le peuple en éveil eut bien vite déterminé avec précision les lieux les plus suspects et par conséquent les plus dangereux. Champtocé, Machecoul, Tiffauges, la Suze, qui étaient les habitations les plus fréquentées par Gilles de Rais et par toute sa maison, sont désignés tout bas comme les lieux où se passent des drames, inconnus encore, mais trop mystérieux pour ne pas être terribles. À Nantes, à peu près tous les enfants qui disparaissent ont fréquenté l’hôtel de la Suze ; ils ont été vus aux abords de cet hôtel aux heures précises de leur disparition ; les jours précédents même, ils ont raconté qu’on les y avait attirés par des caresses, et charmés par une générosité inaccoutumée, en leur donnant à boire et à manger. Plus jamais on n’a vu revenir cet étranger qui marchait dans la direction de Machecoul ou de Tiffauges. S’il disparaît quelque petit mendiant ou quelques jeunes marchands forains ? ils ont toujours été aperçus, demandant l’aumône ou offrant leurs services, aux portes des châteaux de Tiffauges ou de Machecoul. Les petits paysans, partis le matin à la garde des troupeaux et qui ne sont pas revenus le soir ; les enfants ravis dans les fermes elles-mêmes, sont des environs de Tiffauges, de Machecoul et de Champtocé[1].

De là, les habitants de ces contrées conçoivent de graves soupçons, engendrés par le chagrin, développés par leurs

  1. Tous ces faits sont tirés des Procès. — Enq. civ. des 28, 29, 30 sept. 1440, p. cxxv.