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GILLES DE RAIS.

je l’ai entendu pousser de grands cris dans cette chambre ; et, à sa voix, il se mêlait des coups terribles : je n’ai osé entrer ; je Vous supplie d’y pénétrer vous-même pour voir ce qui se passe. » — « Je me garderai bien de le faire, répondit Blanchet tout effrayé lui-même : non, non, je n’entrerai pas ! » — Cependant, après bien des prières, et pour complaire au maréchal, il s’avança dans la direction de la chambre ; mais au lieu de se diriger vers la porte, il passa dans le jardin, et, par une fenêtre, il cria de toutes ses forces : « Maître François ! Maître François ! » Prélati ne répondit rien ; mais Eustache Blanchet l’entendit distinctement qui gémissait et se plaignait comme un homme grièvement blessé. Alors, sans oser en découvrir plus long, il retourna vers Gilles et lui rapporta ce qu’il avait entendu : à ces détails, la douleur et les larmes du maréchal redoublèrent. Enfin ils virent François Prélati sortir de la chambre, pâle, défait, se soutenant à grand’peine sur ses jambes : il put cependant, en s’appuyant sur ses deux amis, gagner la chambre de Gilles. Là, il raconta que le démon l’avait frappé avec violence : « Comme l’esprit malin lui était apparu, dit-il, il l’avait interrogé sur les évocations, et s’était permis de dire que les diables n’étaient que des vilains sans aucune puissance ; sur quoi le démon, irrité, lui avait trop bien prouvé que son pouvoir n’était pas une puissance vaine. » Ce récit paraissait plus que vraisemblable ; car les coups étaient si graves qu’une fièvre ardente prit le blessé. Gilles voulut qu’il couchât dans sa propre chambre et dans son lit, le fit confesser, et pendant sept ou huit jours que l’italien fut en danger de mort, il lui présenta tous les remèdes, sans permettre à personne de lui donner ses soins. Grâce à ses délicates attentions, François Prélati revint à la santé ; mais il demeura toujours vivement frappé de cette aventure : Eustache Blanchet témoigne qu’il lui entendit souvent affirmer depuis ce temps que les « esprits