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LES ÉVOCATIONS.

entendirent sur le toit de la maison comme les pas d’un animal à quatre pattes, qui marchait avec un grand bruit vers la lucarne de la poterne du château, près du lieu où étaient le baron et Prélati. Mais il se gardèrent bien d’en parler à Gilles de Rais, quand celui-ci leur demanda s’ils n’avaient rien vu ou rien entendu. Quelque temps après, vers une heure ou une heure et demie du matin, les deux évocateurs regagnaient la chambre où se trouvaient les trois amis ; Prélati, mécontent d’une tentative inutile, malgré tous les efforts qu’il avait déployés ; Gilles, la mort dans l’âme et la rage au cœur[1], perdant malgré lui tout espoir, et redisant, à qui voulait l’entendre, que personne au monde n’avait le pouvoir de faire venir le démon ; que faux étaient tous les récits que l’on faisait de telles évocations, et folles les espérances des évocateurs[2]. Aspirer si haut pour tomber si bas serait risible, si ce n’était si terrible.

Ce sont là des scènes, en effet, auprès desquelles les plus effrayantes de Théocrite et de Virgile ne sont qu’amusement d’enfants ; ce sont même des drames réels auxquels on n’oserait croire, s’ils n’étaient appuyés par toutes les affirmations de l’histoire. Gilles n’avait pas reculé devant ces horreurs : ce qu’elles avaient de mauvais n’était pas ce qui l’affligeait, mais ce qu’elles avaient d’inutile et de vain. À lutter contre ses doutes et son découragement, Prélati employait toutes les ressources de son éloquence et toute l’autorité de son passé ; et son adresse en l’art de persuader, jointe à la haute opinion que le maréchal avait de son pouvoir et de sa science, entretenaient toujours le mourant espoir de Gilles de Rais. Deux fois encore, le baron tenta personnellement l’évocation à Bourgneuf et à Josselin, pendant un voyage qu’il fit auprès du duc de Bretagne dans les

  1. Proc. ecclés., Conf. de Gilles, p. LI.
  2. Proc. ecclés., Conf. de Blanchet rapportant les paroles d’Alain de Mazières. — Pour les autres détails : Conf. de Blanchet, p. LXXIX, LXXX ; de poitou, p. LXXXIX, XC ; de Henriet, p. XCIX. — Proc. civ., fos 395, ro et vo ; 396, ro ; 397, ro et vo.