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FRANÇOIS PRÉLATI.

genre, en avait peuplé son palais et ses châteaux. Nous sommes portés à croire qu’avec des goûts si semblables à ceux du roi René, son suzerain, Gilles de Rais, dont l’unique ambition était de réunir autour de lui toutes les grandeurs et de lutter en faste et en prodigalités avec les princes, attira, de la cour d’Anjou à la sienne, des maîtres charmants et habiles, dont le nom était dans toutes les bouches. Les qualités brillantes de l’Italie savante et littéraire étaient faites pour lui plaire, et il n’était pas éloigné de croire que Prélati était à tout le moins aussi élevé par la science au-dessus de tous les autres alchimistes et évocateurs, qu’il l’était sur les autres hommes par les lettres, le beau langage et les belles manières. Comme ses juges lui demandaient la raison de son affection pour cet italien, il répondit qu’il trouvait tout en lui : habileté, complaisance, langage recherché et plein d’images, activité et rouerie dans les affaires. Ainsi, Prélati n’était pas seulement un brillant esprit, séduisant par ses belles paroles et ses manières agréables, il était surtout habile alchimiste, habile nécromancien (habilis), habile flatteur (eidem Egidio gratus), habile parleur (quod pulchre et ornate verbis latinis loqueretur), et surtout habile à se rendre nécessaire (ac eciam circa negotia ejusdem Egidii diligentem se exhibebat[1].)

Les sciences occultes, dont il faisait profession et où un certain fonds de vérité s’enveloppe de tant d’obscurités et de mystères, ce qui veut dire souvent de tant d’artifices et de duperies, avaient particulièrement fait des progrès en Italie. C’est de la haute Italie que s’envolèrent, au moyen âge et jusque dans les temps modernes, ces alchimistes, ces magiciens, ces évocateurs des démons, ces astrologues, qui s’abattirent sur toute l’Europe, mais surtout sur la France, et plus tard jusque dans les palais de nos rois, à la suite des Médicis. Mais à l’époque où nous sommes, nulle part, plus qu’à Florence, les sciences occultes ne s’étaient propagées

  1. Proc. ecclés., Conf. de Gilles, p. LIII.