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GILLES DE RAIS.

démon, de lui parler et de signer un pacte avec lui, encore bien qu’il fit tout dans ce dessein, il ne vit rien, s’il entendit quelque chose[1]. Jusqu’où n’allaient pas cependant sa docilité et son obéissance aux ordres des magiciens ? Invocations pressantes, enfants immolés, offrandes honteuses, débauches inouies, promesses et obligations étroites de servir le nouveau maître[2], tout était mis en œuvre, et toujours en vain. Un de ces hommes, anglais ou picard d’origine, appelé Jean de son nom[3], lui demanda un jour, au nom du démon, une cédule écrite de sa main et signée avec le sang tiré de son petit doigt. Gilles se prêta à cette exigence du démon. Il se fit piquer le petit doigt avec un instrument pointu, et, au bas de la lettre, écrite tout entière de sa main, de sa plume trempée dans son sang, il écrivit en toutes lettres son nom[4].

L’évocation eut lieu dans une prairie de Machecoul, tout près d’une auberge, à l’enseigne de l’Espérance : mais le diable n’apparut pas ; et Gilles, tenant l’évocateur pour charlatan sur un dire de l’hôtelière dont il était connu[5], en fut quitte pour recommencer avec un autre, sinon tout aussi charlatan, au moins aussi malheureux dans ses tentatives.

  1. Proc. civ., fo 401, vo ; Conf. de Gilles.
  2. Proc. ecclés., Conf de Gilles, p. XLV.
  3. Proc. civ., fos 389, vo, et 390, ro.
  4. Fac-simile tiré d’un document ayant appartenu à M. Benjamin Fillon. Lettre signée, sur vélin, 3 septembre 1438 ; 1 p. in-fo oblong. Précieuse pièce relative à la cession faite par Gilles de la place de Champtocé au duc de Bretagne, moyennant certaines rentes qu’il avait transportées auparavant à Jean de Malestroit, évêque de Nantes, chancelier de Bretagne.
  5. Proc. civ., fo 390, vo et ro ; Conf. de Poitou.