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GILLES DE RAIS.

une résolution prise d’un commun accord, on convint que, à l’avenir, les expériences, au lieu de se faire dans l’enceinte fortifiée du château, auraient lieu en dehors des murs ; de la sorte, on devait se mettre plus sûrement à l’abri des visites dangereuses, et l’on était plus certain de n’être point troublé dans une œuvre qui demande le silence, un travail continu et le mystère.

Près de l’église de Saint-Nicolas de Tiffauges, habitait une vieille femme du nom de Perrota. Comme elle n’était pas, sans doute, plus étrangère aux secrets du baron qu’à ses plaisirs, elle avait près de lui ses entrées libres et familières. Sa maison, isolée des autres habitations, était bâtie à deux portées de trait du château, sur la colline qui s’élève, à l’ouest, en face de la forteresse. Ce fut dans une chambre réservée de cette maison que Gilles de Rais, Jean Petit, l’orfèvre parisien, et François Prelati, décidèrent de poursuivre la réalisation du grand œuvre. Leurs tentatives furent passionnées et durèrent longtemps ; Prélati opéra, tous les jours et presque continuellement, depuis l’Ascension 1439 jusqu’à la Toussaint de la même année. Les familiers intimes du baron se réunissaient quelquefois dans cette chambre autour de leur maître ; mais le plus souvent Prélati travaillait seul. Soit qu’Eustache Blanchet et Perrota fussent regardés comme des profanes, soit que la vieille femme eût naturellement la langue un peu longue, et que Blanchet fût un peu femme par ce côté-là, ils n’assistèrent qu’à l’une de ces opérations[1]. À part cette seule fois, sur l’ordre de Gilles, ils se retiraient aussitôt que Prélati était arrivé, et ne rentraient qu’après qu’il était sorti. Quant au maréchal, il visitait souvent son complice et s’informait anxieusement du point où en était rendu le grand œuvre. Il arrivait à toutes les heures du jour, tantôt le soir, à la tombée de la nuit ; tantôt le matin, au lever de l’aube et au premier chant du coq[2]. Que faisait-il, demeuré seul avec son nouvel ami ?

  1. Proc., ecclés., Conf. de Blanchet, fo 92,
  2. Ibidem.