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GILLES DE RAIS.

La vanité de Gilles trouvait donc certainement son compte à ces émotions populaires ; mais, dans ces dépenses insensées, destinées à éblouir les yeux de la foule, peut-être y avait-il encore moins de vanité que de calcul. Si les pauvres gens, qui acclamaient si fort, dans la journée, les drames joués sur les « hauts échaffauds » de Gilles de Rais, avaient pu voir d’autres scènes plus émouvantes, plus passionnées, plus terribles mille fois, qui se jouaient, la nuit, au milieu du secret et du silence, dans la chambre à coucher du magnifique seigneur, ils en eussent versé des larmes de sang. Mais qui aurait pu soupçonner de crimes si atroces un seigneur si joyeux, si bon, si prodigue ? Pourtant il est vrai que tout était devenu passion dans cet homme, et la chair et l’esprit. L’orgueil, seul, lui aurait fait commettre toutes les folies, car il était sans mesure ; mais il s’y ajoutait quelque chose de plus cruel que l’orgueil, la passion et le crime, avec la volupté le goût du sang. Le meurtre et la débauche aussi calculent, comme la vanité : or, il se trouvait, comme on le verra bientôt, que, tout en satisfaisant une immense ambition, tant de prodigalités ruineuses avaient aussi pour but de voiler de honteuses cruautés.