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GILLES DE RAIS.

senter le maréchal de Rais : les personnages traduisaient dignement, par gestes et par costumes, quelque belle scène de l’Écriture ou quelque malin récit du fabliau.

Tous ces genres dramatiques, sortis de la cathédrale et nés de la fête des Fous et des Innocents, moqueurs et satiriques, plaisaient à la foule par la parodie des vices et des ridicules, et la réjouissaient aux heures, où, lasse des instructions religieuses, elle aimait à rire et à se moquer. Avec moins de retenue que le mystère, ils avaient la verve alerte des histrions sans retenue et des farceurs de carrefour. La satire écrivait pour eux ; et la satire en France a toujours ameuté les esprits ; la foule applaudit volontiers ceux qui flattent ses goûts et servent ses rancunes. Gilles de Rais et ses joyeux compagnons aimaient particulièrement ces farces ennemies de la tristesse : c’était aussi le temps où elles devenaient plus fréquentes, plus vives, plus mordantes, et aussi plus obscènes ; or, nous le verrons, tout ce qui touchait à l’impureté, flattait délicieusement leurs sens. Rares au XVe siècle, ces divertissements paraissaient peu graves auprès des mystères : ils étaient restés le lot de quelques baladins des rues. Mais, aux XIVe et XVe siècles, il y eut dans toute la France comme une floraison de pièces comiques. Plus plaisantes que les Passions et les légendes dorées des saints ; plus courtes, et par conséquent plus vives et plus amusantes ; particulièrement goûtées pendant la guerre de Cent ans, où, parmi tant de sujets de tristesse, le peuple semble avoir éprouvé un étrange besoin de rire et de s’amuser[1], les pièces légères entrèrent en vogue ; et, sans rien enlever de leur importance aux drames pieux, entraînèrent violemment la foule. Elles se succèdent rapidement, et la variété offre un nouveau plaisir à la curiosité mieux soutenue : la moralité ne dépasse jamais douze cents vers ; la farce et la sotie n’en contiennent guère que sept à huit cents.

Des compagnies s’organisent pour les jouer. À Paris, les

  1. La preuve en est dans la danse macabre.