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GILLES DE RAIS.

et au défi : il enleva à son gendre, le comte de Laval, frère d’André de Lohéac et cousin de Gilles, la lieutenance générale du duché, parce qu’il avait eu l’audace de lui notifier les lettres du roi, et la donna au maréchal ; puis, pour mieux resserrer les liens dans lesquels il voulait le retenir, il fit avec lui, le 2 novembre 1437, une alliance ou fraternité d’armes, semblable à celle qui avait uni Bertrand du Guesclin et Olivier de Clisson. Jean V était déjà l’un des principaux acquéreurs des biens de Gilles de Rais ; il continua, malgré l’édit de Charles VII, à lui soutirer les terres qui lui restaient encore ; à vil prix, d’autant moindre que, personne n’osant plus contracter avec le maréchal, il était à peu près le seul acheteur qui se présentât, et que la passion de l’or, dans le cœur de Gilles, devenait de plus en plus ardente, et de moins en moins difficile sur les moyens de se procurer de l’argent[1].

Pour ne pas soulever contre lui une famille puissante, le rusé duc de Bretagne avait soin de s’environner de secret, et ne reculait pas même devant le parjure pour couvrir sa conduite. Envers René, duc d’Anjou et roi de Sicile, il s’engageait solennellement, par lettres signées de sa main et munies de son sceau, à n’acheter de Gilles aucune terre en Anjou. Quelque temps après, « en chantant la messe », il jurait sur le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et donnait sa parole de prince à René de la Suze et à divers autres parents et amis de Gilles, qu’il ne trafiquerait jamais avec lui ni de Champtocé ni d’Ingrandes[2]. Cependant, en 1438, il achetait ces deux belles seigneuries, avec les péages et les revenus de la Loire, grevés d’une hypothèque de mille livres, dont cent à René de la Suze, et neuf cents à Perrinet Pain, d’Angers ; Jean V devait payer la somme de cent mille vieux écus d’or ; mais il obtenait en même temps tout ce qui appartenait à Gilles en deçà de la rivière de Mayenne. En déduction des mille livres d’hypothèques, il

  1. Mémoire des Héritiers, fo 9, ro et vo.
  2. Ibidem, fos 19, vo et 20 ro.