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CHAPITRE III.

tenter nuit et jour tous les chrétiens. — Ah ! reprit Richard, je suis tellement déçu, que je fais vœu de ne point reprendre femme en mon lit, avant sept ans et plus. » Et, pour tenir sa promesse, le duc, après avoir fait enterrer très pompeusement son chevalier, alla se renfermer dans la belle abbaye de Fécamp, dont il était le fondateur. Alors, il donna congé à toute sa gent, ne gardant avec lui que son queux, son chambellan et son économe.

En paisible et deuote maniere se maintint,
Ainsi comme reclus longue piece se tint[1].

Quelle que soit l’étrangeté de cette légende, et sauf les détails qui lui appartiennent en propre, elle n’est point, quant au fait principal, particulière à Richard Sans-Peur. Les chroniques flamandes nous apprennent qu’un certain Baudouin, comte de Flandres, et depuis empereur de Constantinople, avait épousé le diable en guise d’une très belle femme. Si ceci ne semble pas d’abord absolument miraculeux, le dénouement de la légende prouve, cependant, qu’il s’agissait cette fois d’un cas surnaturel. En effet, la fraude fut reconnue par un saint moine qui exorcisa le méchant esprit, et sut le forcer d’abandonner la trompeuse figure sous laquelle il s’était caché[2].

La belle Tiphaine, femme de Bertrand Duguesclin, fut regardée aussi, dans son temps, comme un personnage d’une nature suspecte. Les uns jugeaient que c’était simplement une fée ; mais ceux qui approfondissaient davantage, assuraient qu’elle n’était rien moins qu’un malicieux démon qui s’était associé au plus brave capitaine de France, pour le tenter nuit et jour.

  1. Roman de Richart.
  2. Madame Clément Hémery ; Histoire des Fêtes civiles et religieuses, etc., du département du Nord. Pour une tradition analogue, voyez Origine merveilleuse d’Éléonore de Guyenne, à notre section des Légendes historiques.