Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
CHAPITRE III.

Ce miracle est cité, dans la Légende dorée, au nombre de ceux qui ont donné lieu à l’établissement de la fête de la Conception, et tout l’honneur en est attribué à l’intervention de la vierge Marie, que le moine n’avait point cessé d’invoquer, même en allant pécher[1].

Si le lecteur n’est point lassé de la multiplicité de nos précédents récits, et si sa curiosité n’est point complètement blasée au sujet des aventures merveilleuses du duc Richard, nous pouvons, sans crainte d’être taxée d’une vaniteuse forfanterie de conteur, affirmer qu’il ne s’est point encore rencontré dans la vie de notre héros un épisode aussi prodigieux que celui que nous nous proposons de raconter en ce moment.

A Richard le Normant aduint maintes merveilles,
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Vers celles que vueil dire elles sont nompareilles
Quon puis dire de bouche ne escouter doreilles[2].

On se souvient que le duc Richard avait recueilli un méchant diable, en forme d’enfant, qu’il faisait élever avec

  1. On sait que la fête de la Conception reçut le surnom de Fête aux Normands, à cause de la prompte faveur avec laquelle l’institution de cette fête fut accueillie dans notre province. Wace, d’après saint Anselme, explique, par un récit merveilleux, autre que celui que nous venons de mentionner, l’origine de la fête de la Conception. Un certain Helsin, abbé de Ramsay, ayant été chargé par Guillaume-le-Conquérant d’une mission diplomatique auprès de Suénon II, roi de Danemark, fut assailli à son retour par une violente tempête. Il adressa à la Vierge une prière fervente ; aussitôt lui apparut un majestueux personnage, couvert d’habits pontificaux : « Helsin, lui dit-il, vous pouvez être sauvé du naufrage, mais à une condition seulement, c’est que vous promettiez que vous célébrerez la fête de la Conception de la Vierge. — Et quel jour devrai-je célébrer cette fête, dit Helsin ? — Le huit décembre. — Quel office dirai-je ? — Le même office que celui du jour de la Nativité, avec cette seule différence que le mot Nativité sera remplacé par le mot Conception. » Helsin promit de se soumettre pieusement à la condition qu’on lui imposait, et, de retour dans son abbaye, il se hâta de célébrer, au jour dit, la nouvelle fête de Marie. (Voyez le poème de l’Établissement de la fête de la Conception, par Wace, publié d’après les manuscrits originaux, par G. Mancel et G.-S. Trébutien.)
  2. Roman de Richart.