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RICHARD SANS-PEUR.

Hellequin, avant de le laisser partir, lui fit présent du riche drap de soie sur lequel il était assis. Ce drap était d’un travail si extraordinaire, que ni homme, ni femme n’aurait pu dire de quelle manière le tissu en avait été ouvragé. Richard emporta le drap sur son cheval. Tout en cheminant par la forêt, il lui vint à l’esprit que ce présent lui avait été apporté de l’enfer. C’est par bon vouloir qu’il m’a été donné, se disait-il, mais, si je viens à rencontrer quelques méchants diables, ils tenteront de me l’ôter ; quoiqu’il n’y ait point d’ennemi si fort et si puissant qui fasse quelque chose à ma déplaisance, sans que j’essaie sur lui le tranchant de mon épée.

Le conte singulier qu’on vient de lire est raconté dans les chroniques, et rapporté à l’histoire de Richard I. Nous allons faire connaître les variantes de cette rédaction nouvelle, à laquelle se rattache le récit d’une autre fable : la Pérégrination à Jérusalem.

Le duc Richard étant en son château de Moulineaux, alla s’ébattre dans le bois un soir après souper avec toute sa suite. Tout-à-coup ils entendirent un bruit horrible et merveilleux, comme d’une grande multitude de gens qui s’approchaient. Le duc envoya un de ses écuyers pour épier ce que ce pouvait être. Après avoir examiné leur manière de faire et leur gouvernement, l’écuyer reconnut que les gens qui causaient un tel fracas, étaient un roi et sa suite, qui avaient pris place sous un arbre, comme pour une séance royale. En langage vulgaire, on nommait ces sortes d’assemblées la mesgnie Hellequin ; mais c’était en réalité, dit le chroniqueur, la mesgnie de Charles-Quint, qui fut jadis roi de France, L’écuyer rendit compte à Richard de ce qu’il avait vu, et ajouta que cette multitude venait s’établir aux abords du château, trois fois par semaine.

Or donc, le duc rassembla une centaine de ses plus preux et hardis chevaliers, et leur commanda de s’armer pour aller guetter et ouïr ceux qui tenaient de telles assemblées sans son congé. Les chevaliers l’assurèrent que, pour vivre ne pour mourir, ils ne lui feraient défaut.