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RICHARD SANS-PEUR.

— Je vous prie, dit le duc, gardez-la moi bien. — Volontiers, monseigneur, répliqua la femme. Sur cette assurance, le duc se remit en chemin. La femme du forestier tint parole, et éleva la petite protégée de son seigneur avec tout le soin possible.

Nous dirons, plus tard, ce qu’il advint de la conduite généreuse de Richard. Poursuivons le récit de ses aventures dans leur ordre régulier.

Richard, toujours errant à travers le bois, fit une rencontre des plus merveilleuses. Il vit passer d’abord une meute innombrable de chiens braques et lévriers ; à la suite accouraient les veneurs donnant de la trompe, puis une nombreuse compagnie qui menait la chasse. Richard, en les apercevant, jura, par le vrai dieu qui gouverne le monde, qu’il saurait quels étaient ceux qui osaient chasser ainsi, sans avoir obtenu son congé. La Mesgnie Hellequin lui revint alors en mémoire[1]. Cependant, le duc persistait à vouloir avancer, mais son cheval bronchait à chaque pas. Sur ces entrefaites, vint à passer devant lui un sien écuyer, mort depuis un an ; Richard, frappé d’étonnement, et non point de frayeur, s’avança vers le fantôme et le conjura de dire d’où il venait, ce qu’il était, qui l’avait amené là ? Ne fus-tu pas sénéchal de ma cour, insista Richard, et n’es-tu pas mort depuis un an ?

— Ouy, dist lescuier, seneschalx ay ie esté
De toute vostre court, mais ie suis trespassé[2].

— Or ça, dit Richard, je voudrais savoir quels diables t’ont ressuscité ? — Sire, n’ayez pas espoir que je sois ressuscité ;

xxxxxxxxMais ie fais ma penance,
Et tous ceulx que vees tenir en ces te dance
Que Helequin conquist du tout à sa plaisance[3].

  1. Pour la Mesgnie Hellequin et les chasses fantastiques, voyez le chapitre IV.
  2. Roman de Richart.
  3. Roman de Richart.