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ROBERT-LE-DIABLE.

Et peut-être ont-ils raison de se défier encore, même après la féodalité vaincue et les châteaux forts détruits : car, en dépit de la civilisation qui les traque de toutes parts, que de passions farouches ne sont pas anéanties ! À défaut d’autre domaine, elles se réfugient dans la solitude profonde du cœur, et se voilent des mystérieuses ténèbres de l’imagination.



    mur soit arrasé, ce lieu ne cessera point de s’envelopper d’un redoutable mystère. Des souterrains, réceptacles de quelques hideux épouvantails que n’ose braver la pusillanimité des habitants du voisinage, conduisent, dit-on, de la forteresse jusqu’au bord de la Seine. Puis ce n’est pas seulement l’apparition d’un loup, mais encore celle de Robert-le-Diable sous le froc de l’ermite, qui vient renouveler à la mémoire de chaque génération les crimes pour lesquels fut maudit cet antique repaire. Même dans le riant gazon qui s’efforce de voiler ces ruines, pénètre une funeste influence. L’herbe qui égare s’y cache, pour tenter un pied imprudent. Que le voyageur craigne donc l’approche de ces lieux ; qu’il ne s’y arrête point trop long-temps, à la nuit tombante, occupé à reconstruire le passé sous le prisme romanesque du souvenir, de peur de demeurer jusqu’au matin, enfermé dans les circuits de la colline, à la merci des fantômes et des mauvais esprits, qui tireraient peut-être quelque raillerie cruelle de ses inoffensives rêveries.