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CHAPITRE II.

persuadé, du moins, que cette blessure le lui fera reconnaître.

On instruit l’empereur de cet événement. Aussitôt, ce prince fait publier, à son de trompe, un édit par lequel il promet sa fille et la succession de l’empire au guerrier qui a sauvé Rome. Qu’il se présente avec son armure blanche et son cheval blanc, et qu’il montre le fer de lance dont il a été blessé ! Or, le sénéchal du palais s’était épris de la jeune princesse, qu’il avait demandée en mariage, sans avoir réussi à se faire accepter. La force de sa passion lui suggéra un subterfuge contre lequel la défiance de l’empereur ne se trouva pas en garde. Lorsqu’il eut entendu la publication de l’édit, il se fit une blessure profonde à la cuisse, et se présenta devant l’empereur, avec armes et cheval blancs, montrant le fer brisé qu’il avait retiré de sa plaie. Convaincu par ce témoignage, l’empereur accorda sa fille avec joie. Elle essaya de protester contre cette tromperie ; mais, encore une fois, on refusa de l’entendre, tant on faisait peu de cas de son témoignage, qu’elle ne pouvait exprimer que par des signes. Les préparatifs du mariage furent ordonnés. Toutefois, le temps était arrivé où la pénitence de Robert avait dû expier ses fautes, et le ciel allait prendre soin de la réhabilitation du pécheur. Au moment où la fille de l’empereur, accompagnée de son père et des dames et damoiselles de sa maison, entrait dans l’église où l’on allait bénir son union avec le sénéchal, soit intervention de la providence, soit miracle de l’amour — car le cœur ne garde point de mutisme et se briserait plutôt à le forcer — la jeune princesse recouvra tout-à-coup la voix, et, parlant un noble langage, elle raconta tous les faits merveilleux dont elle avait été témoin, accusa hautement le sénéchal d’avoir machiné une vile fourberie, et, se jetant ensuite aux genoux de son père, et du pape, qui était à l’autel pour officier, elle les supplia de la suivre jusqu’à la fontaine du jardin. Là, elle retira d’entre deux pierres, qui le dérobaient à la vue, le fer de lance que le courageux pénitent avait arraché de sa blessure ! On appelle aussi-