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CHAPITRE II.

ceux-là reprennent courage et sécurité, car, en résumant les faits du drame et du roman, nous allons trouver à répondre à leur intérêt, à satisfaire leurs dispositions bienveillantes. Grâces en soient rendues à nos trouvères normands ; préoccupés qu’ils étaient du souvenir des croisades et des expéditions en Italie, ils ont rehaussé ce conte austère et terrible par une terminaison tout éblouissante dans sa féerie orientale. Redisons, d’après eux, les incidents de la pénitence de notre héros.

L’empereur de Rome avait une fille renommée pour sa ravissante beauté ; mais, hélas ! muette de naissance. Cette jeune princesse vivait tristement, isolée et comme cloîtrée par son infirmité. Heureusement, il y a toujours quelques célestes visions pour les solitaires ! Comme elle habitait un appartement dont les fenêtres étaient situées sur le jardin du palais, la pauvre belle fille eut occasion d’examiner Robert, qui venait après chaque repas se désaltérer à la fontaine du jardin. C’était là un des rares moments où, se croyant libre de tous les regards, notre pénitent pouvait se reposer de son pénible rôle. La jeune princesse ne voyait plus alors Robert, tel qu’il était au milieu du monde, avili de dédains, souillé d’ignominies ; elle le contemplait à la face du ciel, beau de son courage et purifié de son repentir ! Les yeux sont les tyrans du cœur : regarder, c’est aimer ; aimer en silence, c’est aimer sans mesure : les paroles limitent toujours les sentiments. La fille de l’empereur aima donc Robert ; mais, pendant les premières alternatives de cette passion naissante, les Sarrasins viennent assiéger Rome ; les chrétiens, en alarmes, s’encouragent à la défense ; un combat se prépare.

Le jour où ce combat devait se livrer, Robert s’était rendu, suivant l’usage, à la fontaine du jardin ; là, il entendit une voix qui lui commandait de prendre part à la bataille, et en même temps se trouvèrent devant lui une armure blanche et un cheval blanc, dont on lui ordonnait de se servir. Robert obéit avec transport ; il court rejoindre les chrétiens,