cluant, au point de vue de la morale. Elles racontaient que saint Benoist, étant encore mêlé à la vie du siècle, avait la déplorable habitude de battre sa femme. Dans la suite, revenu à des sentiments plus modérés, pour témoigner de son repentir, il avait fondé les deux monastères de Préaux, aux endroits où il avait le plus maltraité sa faible compagne[1].
À part l’intérêt que peuvent exciter toutes ces victimes injustement martyrisées, les traditions que nous venons de raconter, mises en regard de certains traits des mœurs actuelles, pourraient donner lieu à de piquants rapprochements.
Si aucun mari ne confie plus, de nos jours, à son cheval le châtiment de sa femme, au moins nous n’oserions répondre qu’il n’y ait pas encore quelques femmes persécutées et battues ; mais, assurément, il n’est personne, parmi les plus scrupuleux, qui se préoccupât de fonder une église, ou tout autre monument d’espèce semblable, pour expier les plus énormes contraventions aux lois pacifiques du mariage.
Guillaume Martel, seigneur de Bacqueville et de Saint-Vigor,
conseiller et chambellan du roi Charles vi, était l’un des
plus braves chevaliers de son siècle. Comme tant d’autres
chrétiens de cette époque, il crut que sa carrière ne serait pas
dignement remplie, s’il n’accomplissait une croisade en Terre
sainte. Aussi, quoiqu’il eût déjà près de cinquante ans, et
malgré les instances de sa femme encore jeune et dont il était
parfaitement aimé, il résolut d’accompagner cette nombreuse
phalange de la noblesse française qui se rendait alors en Hongrie,
pour défendre ce royaume contre les invasions des Turcs.
Au moment des adieux, le sire de Bacqueville divisa en deux
parties l’anneau d’or qu’il portait habituellement au doigt,
- ↑ A. Canel, Essai sur l’arrond, de Pont-Audemer. t. i, p. 308.