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CHAPITRE XXII.

plus de soixante paroisses, il fit détruire les habitations, abattre les chapelles et les églises, qui passaient pour avoir été érigées, en ce lieu, dès le temps du bon roi Arthur :

I avoit-on pour Dieu assises,
Très le tans Artus, le bon Roi.[1]

Les grands arbres et les carrefours déserts remplacèrent bientôt les autels et les sanctuaires du Très-Haut ; les cerfs, les daims, les loups, les sangliers, toutes les espèces d’animaux sauvages, multiplièrent, à l’envi, sur cette terre baignée des sueurs du travail, et qu’on avait arrachée violemment des mains de ceux à qui son abondance était promise.[2]

Il arriva donc que Richard, fils naturel de Guillaume-le-Conquérant, chassant dans la forêt Neuve, fut emporté par son cheval, auquel il avait donné de l’éperon, et se heurta si violemment contre un arbre, que, peu après, il en mourut du coup. Près de vingt ans plus tard, un autre Richard, fils de Robert de Normandie, fut encore tué, dans ce lieu, par une flèche maladroitement lancée. Cet événement lugubre, arrivé tout récemment, n’empêcha point Guillaume-le-Roux de braver les sinistres présages qui le menaçaient à son tour. Il entra donc dans la forêt Neuve, accompagné de ses courtisans, et, entre autres, de Gaultier Tyrrel. Comme il s’était mis, avec ce dernier, à la recherche du gibier, dans un quartier particulier de la forêt, un cerf vint à passer tout-à-coup auprès d’eux. Le roi engagea vivement Tyrrel à lancer sa flèche ; celui-ci obéit à l’instant, mais le trait, après avoir effleuré l’animal, se détourna et vint frapper Guillaume, qui se trouvait à portée.[3]

Pendant cette catastrophe, Henry, frère du roi, était sorti de

  1. Chronique rimée de Philippe Mouskes, p. 206, v. 17, 718.
  2. Quelques auteurs rapportent ce fait à Guillaume-le-Roux lui-même.
  3. Orderic Vital, Histoire de Normandie, liv. x. — Chroniques de Normandie. — Roman de Rou, t. ii, p. 340 et suiv.