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CHAPITRE XXII.

mort de guillaume-le-roux.


Guillaume-le-Roux, prince impie, voluptueux, désordonné dans sa conduite et ses mœurs, avare et prodigue tout à la fois, s’était rendu odieux au clergé, pour lequel il ne se montra jamais en veine de générosité, mais qu’il rançonnait, au contraire, impitoyablement, et dont il bravait les anathèmes par d’insultantes railleries. Aussi, la mort instantanée de Guillaume, qu’elle fût l’effet d’une conspiration ou le résultat d’un accident fortuit, offrit aux prêtres et aux moines, attaqués dans leurs prérogatives, une facile occasion de raffermir leur autorité ; car ils ne manquèrent pas d’expliquer cet événement de manière à en tirer tout l’avantage possible, c’est-à-dire en s’efforçant de le faire considérer comme une punition du ciel irrité. De là vient que tant de récits merveilleux, de prophéties imaginées après coup, circulèrent parmi le peuple, et fournirent, au sujet de cette mort, mille données contradictoires à la tradition.

Dans les jours qui précédèrent la mort de Guillaume-le-Roux, plusieurs personnes, dit Orderic Vital, eurent des visions effrayantes concernant l’événement fatal qui menaçait la vie du roi, et le peuple en faisait le sujet de ses entretiens dans les cimetières et sur les places publiques, la funeste prophétie se dévoila particulièrement à un moine de sainte vie, qui habitait le monastère de Glocester. Ce religieux fut ravi, en extase, au milieu de l’espace resplendissant qui est le domaine des élus. Toute la milice céleste, anges et saints, parés de leurs glorieux attributs, dans tout le rayonnement de leur majesté divine, dans toute la fleur de leur beauté immortelle, entouraient le trône de Jésus-Christ. Alors, une vierge, qui n’avait point d’égale en splendeur, et dont le pompeux diadème était l’emblème d’une royauté universelle, se prosterna aux pieds de notre Seigneur, et lui adressa cette humble supplique : « Seigneur, daignez jeter un regard de compassion sur votre peuple, qui gémit sous le joug de