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CHAPITRE XXI.

moins erronés que le texte, ils étaient parvenus à relier, sans interruption, la généalogie des peuples modernes à la souche antique des Romains, des Grecs et des Troyens. Les historiens locaux, à leur tour, s’emparèrent de ces traditions falsifiées de l’histoire universelle, leur prêtèrent, dans un autre ordre, une nouvelle extension hypothétique, et se mirent ainsi en état de rendre compte des circonstances les plus éloignées qui avaient présidé à la formation de certains établissements, ou de villes anciennes dont ils se proposaient de faire connaître l’histoire. Cependant, ces récits fabuleux, remaniés par plusieurs auteurs, ne concordèrent pas toujours les uns avec les autres. Il existe, par exemple, pour expliquer l’origine de Rouen et l’étymologie de son nom, trois ou quatre versions contradictoires, affirmées avec une égale autorité, sans que l’une d’entre elles mérite plus que les autres d’exciter notre créance, et de prêter matière à une critique sérieuse.

On lit, dans un recueil du xvie siècle, qui fut réimprimé encore au xviie : « Rouen, assise en Gaule celtique, sur le fleuve de Seine (comme dit Jehan le Maire), fut édifiée par Magus, deuxième roy de Gaulle, filz de Samothès, à quoy s’accorde l’autheur de la Légende des Flamens. Celluy roy Magus régna enuiron trois cents ans après le déluge, et fut grand édificateur, comme son nom le démonstre ; car Magus, en langue scytique, signifie édificateur, ce que tesmoigne frère Jehan Annius de Viterbe, expositeur de Bérose. De luy sont plusieurs citez nommées comme celle cité de Rouen, qu’on dit en latin Rothomagus ; Neomagus en la province lyonnaise ; et Nouiomagus, qu’on appelle Nimeghe, la première ville des Gueldres à quoy s’accorde Ptolémée[1]. »

  1. Gilles Corrozet, Le bâtiment des antiques érections des principales Villes et Citez, assises ès trois Gaules, contenu en deux liures, avec un traité dès fleuues et fontaines admirables estans ès dites Gaules ; à Lyon, par Benoist Rigaud et Jan Saugrain, MDLVII.

    Ptolémée est le premier qui fasse mention de Rotomagus, comme de la ville principale des Veliocasses. Ce nom est aussi écrit Ratomagus. On trouve Rattumagus dans la table Théodosienne, avec la figure dont