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ROBERT-LE-DIABLE.

analytique les adoptera tour-à-tour, selon qu’elles présenteront une signification plus originale ou plus frappante.

La naissance d’un héros aussi merveilleux que Robert ne pouvait manquer d’être caractérisée par quelques circonstances extraordinaires. Celles-ci nous sont expliquées par un récit qui paraphrase, d’une manière aussi singulière que naïve, cette plaintive exclamation de l’écriture sainte : l’homme né de la femme ! Voici le texte de la Chronique de Normandie : « Aduint que le duc par un iour de samedy venoit de chasser en la forest de Rouveray, et eut desir de coucher auec Inde sa femme, mais la dame voulut délayer la compaignie de son seigneur, lequel fut très fort embrasé de son amour. Et comme la dame n’osa désobéir à la volonté de son mary, par courroux lui dit que jà Dieu n’eust part à chose qu’ils fissent. Et ainsi d’iceluy duc la bonne dame conceut fruict[1]. »

Ce fut après des douleurs qui, pour la violence et la durée, dépassèrent le cours ordinaire de la nature, que la duchesse Inde mit son enfant au monde. La malédiction sacrilége qu’elle avait prononcée sur lui commença, dès lors, à produire ses effets monstrueux ; aussi les détails de la première enfance de notre héros renchérissent-ils, en fait de puéril effrayant, sur les plus terribles contes de Croque-mitaine, sauf que, contrairement aux bonnes règles, c’est ici la scélératesse du marmot qui triomphe. Tous ceux qui s’approchent du jeune Robert sont en butte à sa sournoiserie : il bat ses nourrices, et leur mord le sein plus cruellement que ne le font les autres enfants ; les petits compagnons de ses jeux, il les accable d’outrages et leur fait endurer mille tortures.

Ensi Robert ne pot bien faire
Son mestier est tous tans al braire.
Mes plus en .i. seul ior croissoit
Quns autres en .vii. ne feist[2].

  1. Chroniques de Normandie, édition de Le Mesgissier, 1581, p. 1.
  2. Roman de Robert-le-Diable, p. 2, col. 2.