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SAINTS POPULAIRES.

adressa de tendres adieux, leur prodigua de bienveillantes consolations ; à peine avait-il cessé de parler, qu’on vit descendre, autour de l’autel, une multitude d’hommes vêtus de blanc, qui invitaient le saint prélat à venir les rejoindre. Aussitôt que cet appel se fut fait entendre, une nuée odoriférante se répandit dans toute l’église, et déroba le vénérable évêque aux regards des assistants. L’espace d’une heure s’écoula, et, la nuée s’étant dissipée d’elle-même, le peuple revit son pasteur, mort béatifié, encore assis sur son siège épiscopal, ayant les mains étendues, et les yeux tournés vers le ciel.

Cependant, on s’inquiétait où l’on pourrait enterrer le pontife, pour sauver son tombeau d’une violation sacrilège, quand le torrent des ennemis déborderait. Un ange, sous la figure d’un homme vêtu de blanc, dit au peuple : « Prenez le corps de votre pasteur, et suivez-moi. » Alors il sortit de la ville, et marcha environ un tiers de mille vers l’Occident. Là, il s’arrêta et commanda que l’on creusât une fosse pour y descendre le corps. Comme les assistants élevaient jusqu’au ciel leurs soupirs et leurs larmes, le bienheureux pontife fut sensible à la douleur de ses enfants, il se souleva de son cercueil, et leur dit : « Mes enfants, pourquoi agissez-vous ainsi ? Ne craignez rien, mais écoutez cet homme. » Il retomba dans la froide insensibilité de la mort, et l’ange, de nouveau, s’adressant au peuple : « Le corps de votre père ne sera point profané, dit-il, j’ai veillé sur lui pendant sa vie, je le garderai encore après sa mort. Ce lieu restera long-temps inconnu, mais deviendra ensuite en grande vénération, à cause de la mémoire de votre saint pasteur. Quant à vous, il faut vous retirer promptement, afin de ne pas être enveloppés par les ennemis. La ville que vous habitez sera détruite ; cependant, aucun d’entre vous ne périra. » À ces mots, l’ange disparut, et tout ce qu’il avait prédit reçut son accomplissement.

Orderic Vital, qui a transcrit cette légende, ajoute à la suite, que le démon, chassé du temple de Diane, par saint