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CHAPITRE XIX.

de tenir compte de la bienveillante observation de sa femme, le cruel préfet s’écria avec un véhément courroux : « Eh quoi ! es-tu donc aussi devenue sorcière ? Par le salut des Dieux, tu partageras sa punition ! » Et, comme on la traînait au supplice, Léonille effrayée supplia saint Taurin en disant : « Serviteur de Dieu, venez, s’il se peut, à mon secours, et je croirai en votre Dieu. » Sur ces entrefaites, un messager apporta la nouvelle que le fils de Licinius s’était tué à la chasse, ainsi qu’un de ses écuyers. Cette catastrophe imprévue frappa Licinius de douleur, et éveilla subitement ses remords. Aussi, ce père malheureux fit-il vœu, en présence du saint prélat, d’embrasser la foi chrétienne, si son fils lui était rendu. Alors ils allèrent tous ensemble à la ville, et, après avoir invoqué Dieu, dans l’église de Sainte-Marie, ils se rendirent au lieu où étaient déposés les deux morts. Taurin s’approcha du jeune Marinus, le prit par la main, le fit lever, comme s’il l’eût éveillé d’un sommeil naturel, puis lui enleva de la figure la poussière et le sang qui la souillaient. Marinus se jeta aux genoux du saint évêque, en demandant le baptême, selon l’ordre qu’il en avait reçu d’un ange. Sur la prière de Marinus, Taurin ressuscita aussi Paschale, son écuyer. Aussitôt, ce jeune homme, s’adressant à son maître : « L’envoyé du Très-Haut, qui, sur votre prière, m’a ramené ici, dit-il, vous avertit de revenir vers lui, le jour où vous aurez quitté les vêtements blancs, que l’on prend à la cérémonie du saint baptême. » En effet, Marinus fut attaqué d’une légère fièvre, et mourut au bout de huit jours. Le lendemain de la résurrection de ces deux jeunes hommes, à peine aurait-on pu trouver dans tout le diocèse une seule personne qui ne fût empressée d’accourir au baptême.

Cependant, une immense nation menaçait d’envahir les Gaules ; le peuple, effrayé, voulut émigrer ; saint Taurin se mit à la tête de son troupeau, et guida sa fuite vers Rome. Lorsque les pèlerins furent de retour dans leur patrie, leur vénérable évêque les convoqua, avec le reste de la population, dans l’église où il avait coutume d’enseigner la foi. Là, il leur