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LÉGENDES RELIGIEUSES.

cette fiole, rapportée à l’abbaye, fut suspendue au grand reliquaire par une chaîne d’argent.

Depuis cette époque, où les divines reliques ne cessèrent point d’honorer de leur présence le monastère de la Sainte-Trinité, on entendit souvent dans l’église, pendant la nuit, l’harmonie des concerts célestes ; l’autel s’illuminait d’éblouissantes lumières ; le reliquaire s’agitait de lui-même, comme une chose vivante, et l’on put remarquer que le crucifix, qui plane au-dessus de la table sainte, avait quitté trois fois le tabernacle, et, de son propre mouvement, était revenu ensuite occuper sa place habituelle.


miracle des roses.


L’abbaye de Valmont-en-Caux, située sur la route de Dieppe à Fécamp, fut fondée en 1116 par Nicolas d’Estouteville, à la suite d’un vœu qu’il avait fait, en Terre sainte, pour racheter sa vie d’un péril imminent. Nicolas d’Estouteville était un homme d’un caractère violent et dur, et qui joignait, à tous les défauts de son humeur, la passion d’une sordide avarice, mobile ordinaire de ses emportements et de ses cruautés. Si le sire d’Estouteville se complaisait à faire quelque munificence à l’église, c’était dans l’espoir qu’il en serait récompensé au centuple dans l’autre monde, ce qui ne l’empêchait point, dans celui-ci, de s’ingénier à établir l’offrande de sa générosité au moindre prix possible. Cependant, il avait fait venir d’Allemagne des maîtres sculpteurs, architectes et maçons, pour travailler à l’embellissement de l’église qu’il projetait, et il employait ses propres vassaux à servir d’ouvriers. Mais, non content de les surcharger d’ouvrage bien au-dessus de leurs forces, et de cimenter avec la sueur du pauvre le temple de Dieu, il voulait encore transformer en pierres, au gré de son avarice, le pain quotidien de ces malheureux. En effet, il leur faisait distribuer une nourriture si insuffisante, que la révolte n’eût pas manqué d’éclater parmi eux, si un