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LÉGENDES RELIGIEUSES.

demeura quelque temps en méditation. Lorsqu’il eut achevé sa prière mentale, il forma le signe de la croix sur le tronc, et plaça, sur le tracé de ce signe, un amas de pierres auquel il donna la forme d’un autel ; puis, s’adressant à ceux qui étaient présents : « Heureuse cette province ! s’écria-t-il, plus heureux ce lieu, mais trois fois heureux ceux à qui il sera accordé d’adorer le prix du monde ici renfermé ! » Ayant prononcé ces paroles, il disparut du milieu de l’assemblée, et personne ne put dire comment il s’en était allé, ni ce qu’il était devenu.

Les enfants de Merca retournèrent vers leur mère, empressés de lui raconter les merveilles dont ils avaient été témoins. Merca rendit grâce au Seigneur qui avait honoré sa maison par la visite de cet hôte céleste, et, depuis ce jour, la vallée où le tronc s’était arrêté devint un pâturage si abondant que, quelque grande quantité d’animaux qu’on y amenât, ils ne pouvaient parvenir à l’épuiser. Bientôt, aussi, les seigneurs du pays de Caux choisirent de préférence ce lieu pour leur principal rendez-vous de chasse, n’en rencontrant pas de plus agréable et de mieux situé, à cause des belles forêts qui en composaient l’entourage.

C’est ainsi qu’il arriva, dans la suite des temps, que le duc Anségise fut favorisé, en ce lieu, de l’apparition d’un cerf merveilleux[1] qui lui indiqua l’emplacement où devait être bâti un temple que, par une inspiration divine, Anségise fit vœu de consacrer à la sainte et indivisible Trinité.

Cependant, ce pieux seigneur étant mort avant l’accomplissement de son vœu, on perdit la mémoire des miracles qui avaient sanctifié la vallée du Figuier. Plusieurs années se passèrent dans cet oubli, jusqu’au règne du roi Clotaire III. À cette époque, le bienheureux Waninge, qui était conseiller et favori du roi, fut envoyé dans le pays de Caux, pour gouver-

  1. On a vu que ce miracle, qui se reproduit, d’ailleurs, très fréquemment dans les légendes religieuses, avait signalé aussi la réédification de l’abbaye de Fontenelle.