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CHAPITRE XVIII.

tion, sans qu’il fût possible d’expliquer quelle était la cause de cette étonnante prospérité.

Sur ces entrefaites, la femme d’Isaac, poussée par une curiosité malveillante, interrogeait sans cesse son mari pour connaître l’origine de leur nouvelle fortune. Ne recevant pas de réponse satisfaisante, de téméraires soupçons pénétrèrent dans son esprit ; puis, à force de surveillance et d’observation, elle parvint à découvrir que son mari priait souvent en secret. Elle se persuada aussitôt qu’il se livrait à quelques pratiques contraires à la loi de Moïse, et, pour n’être pas enveloppée dans sa faute, elle alla le dénoncer au Consistoire des Juifs, comme coupable de s’être livré à un culte superstitieux. Cependant, Isaac s’étant toujours montré fidèle aux pratiques de la loi, on eut scrupule de le condamner sur le simple témoignage d’une femme. D’ailleurs, la grâce céleste, dont il était sans cesse accompagné, disposait, à leur insu, les esprits en sa faveur. C’est pourquoi l’assemblée des juges le renvoya justifié.

Toutefois, cette première enquête avait occasionné des inquiétudes assez vives à Isaac, pour qu’il crût urgent de se soustraire aux nouvelles persécutions que l’avenir pourrait lui susciter. Il abandonna Jérusalem, et s’en vint fixer sa résidence dans la ville de Sidon, où il se choisit une habitation située sur le bord de la mer. Ayant recouvré, en ce lieu, une sécurité parfaite, il se livrait, avec délices, au culte ineffable qui faisait la principale occupation de sa vie, lorsqu’une vision miraculeuse vint réveiller ses anxiétés. Une nuit qu’il était plongé dans le sommeil, il entendit une voix qui lui annonçait que Titus et Vespasien s’approchaient de Jérusalem, qu’ils allaient détruire cette ville, et ravager toute la Judée. Frappé de cet avertissement prophétique, Isaac s’ingéniait à imaginer où il pourrait cacher le sang de la rédemption, pour en prévenir la perte, et le dérober aux profanations des païens. Après maintes recherches, il s’arrêta à un expédient qui lui parut plus sûr que tous les autres : ce fut de percer