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CHAPITRE XVIII.

la tâche que nous nous sommes imposée nous contraint, pour ainsi dire, de mettre à nu, sous le souffle moqueur et desséchant des incrédules, ces gouttelettes d’un sang divin parvenues jusqu’à nous, à travers toutes les vicissitudes du temps et tous les accidents de l’espace. Si, du moins, à défaut de la vénération religieuse enlevée à la divine relique, il nous était possible de substituer, dans les esprits, quelque sentiment de vénération poétique en faveur du reliquaire, c’est-à-dire de cette légende capricieusement travaillée d’un réseau de fables gracieuses, à l’abri desquelles le Sang précieux s’est conservé pur de toute violation sacrilège ! Pour obtenir, au moins, cette transmission d’hommages, ce diminutif d’admiration, il nous faut étaler, sous le regard curieux du lecteur, la tradition merveilleuse, dans son ensemble complet. Nous pouvons nous acquitter, sans difficulté, de ce soin, en donnant ici l’analyse fidèle d’un fragment de manuscrit, déposé à la Bibliothèque de Rouen, et publié par M. André Pottier[1]. Cette pièce manuscrite, d’après l’opinion qu’a émise M. Pottier, dans l’intéressante Notice annexée à sa publication, ne remonterait pas à une époque plus éloignée que le dix-septième siècle, mais procéderait incontestablement d’un original beaucoup plus ancien, dont elle ne serait que la traduction. À l’appui de cette assertion, le savant critique déclare qu’il a rencontré, dans le Neustria pia[2], un court fragment de cet original, accompagné d’une note marginale qui indique que cette relation est contenue dans un manuscrit appartenant à dom de Marseilles, religieux infirmier de Fécamp. On ignore si cet original a été conservé, ou s’il existe ailleurs en duplicata. Quoi qu’il en soit, la relation qui va nous servir de guide est précieuse par sa conformité certaine avec la tradition authentique, celui qui s’en est fait le traducteur, ou seulement le transcripteur, affirmant l’avoir copiée sur le vrai original étant dans le chartrier de l’abbaye royale de la très sainte

  1. André Pottier, Revue rétrospective normande.
  2. Neustria pia, chap. xv, lig. 3.