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DUCS DE NORMANDIE.

humanitaire, si l’on peut prêter à cette épithète un sens rétrospectif applicable à la société fractionnée sous le régime de la féodalité.

Pour achever cette démonstration, voyons quels nouveaux éclaircissements nous seront fournis au sujet de Richard Sans-Peur. Ici, du moins, nous ne serons pas embarrassés par la confusion des prototypes. La relation établie entre le Richard des romanciers, et Richard I, troisième duc de Normandie, date de trop loin pour qu’on tente de la détruire au profit d’un autre concurrent. Les chroniqueurs du douzième siècle, Wace, Henry de Huntington, Benoist de Sainte-More, etc., attribuent, en effet, à Richard I, les principaux faits merveilleux qui composèrent, dans la suite, le roman de Richard Sans-Peur. Où donc avaient-ils puisé ces fables ? Sans doute, elles étaient empruntées aux récits des Trouvères, puisqu’on ne les trouve pas chez les historiens antérieurs, en remontant jusqu’à Dudon de Saint-Quentin, qui fut presque contemporain de Richard I ; non plus que l’épithète de Sans-Peur, dont on ne paraît avoir qualifié ce duc que du moment qu’on l’a confondu avec un personnage fabuleux. Mais les Trouvères, en composant les fables dont se sont emparés les chroniqueurs, avaient-ils en vue quelque patron historique ? Nous ne pouvons encore admettre cette supposition à l’égard du roman de Richard Sans-Peur, car il ne s’y rencontre pas un seul fait relatif à l’histoire véridique de Richard i. Cependant, l’établissement du monastère de Fécamp y est mentionné ; mais ce détail, comme tous ceux qui ne tiennent point à la contexture du drame, est de peu de valeur, parce qu’il a pu se glisser aisément dans une des recompositions de l’œuvre primitive. Doit-on s’étonner, au reste, de voir les chroniqueurs du douzième siècle transposer, de leur plein droit, du roman dans l’histoire, quelques récits fabuleux, lorsque, deux siècles plus tard, les auteurs de la petite Chronique de Normandie, par une étourderie toute naïve, racontent ces mêmes faits en partie double, c’est-à-dire en les attribuant à la fois au fabu-