Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/399

Cette page a été validée par deux contributeurs.
366
CHAPITRE XVII.

Sans remonter à la tradition druidique, le peuple, qui n’est pas plus avare de contes que les savants ne le sont d’étymologies, explique, par différentes versions fabuleuses, l’origine du nom de Tombelène ou Tombelaine, attribué au Mont-Saint-Michel[1]. Une de ces légendes est rapportée par Wace, dans son roman de Brut :

Du temps du roi Arthur, la nièce de Hoël, duc de Bretagne, fut enlevée, avec sa nourrice, par un terrible géant venu d’Espagne, et transportée sur un mont désert au bord de l’Océan. Cette jeune fille, se trouvant abandonnée à jamais, car nul homme n’osait venir attaquer son ravisseur, mourut de chagrin, et fut enterrée par les soins de sa nourrice, qui ne cessa point de pleurer chaque jour sur la tombe de l’infortunée. Cependant, un chevalier de la suite d’Arthur s’étant introduit, à dessein, dans le lieu inaccessible où le monstrueux géant avait établi sa demeure, fut témoin de la désolation et des regrets de la nourrice d’Hélène. Il retourna vers Arthur, et lui fit part de ce qu’il avait vu. Arthur voulut aller en personne attaquer le géant. Le prince des héros de la Table ronde se mesura, en effet, avec le ravisseur d’Hélène, et la bonne lame d’Escalibour ayant fait merveilles comme à l’ordinaire, le monstrueux géant fut occis. Hoël fit élever une chapelle et un monument funéraire au lieu où le corps de sa nièce avait été déposé ; de là vient le nom de Tombe-Hélène qui fut donné à ce mont.

Une autre tradition, moins ancienne, mais non moins poétique, et plus touchante encore que celle de Wace, a créé une nouvelle héroïne pour prétendante à ce patronage si disputé :

Une jeune fille du nom d’Hélène fut obligée de se séparer de Montgommeri, son fiancé, qui suivait Guillaume-le-Conquérant dans son expédition contre l’Angleterre. La pauvre délaissée gravit le haut promontoire, et demeura en contem-

  1. Le nom de Tombelène a été aussi donné, par extension, et conservé jusqu’à nos jours à un îlot inhabité, situé à une demi-lieue, au nord-est, du Mont-Saint-Michel.