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LÉGENDES RELIGIEUSES.

La tranquillité dont jouissait la Normandie, depuis le baptême de Rollon, avait engagé deux religieux, autrefois habitants du monastère de Jumiéges, et qui, lors de sa destruction, s’étaient réfugiés dans l’abbaye de Haspres, en Cambrésis, à revenir, à une époque déjà avancée de leur vieillesse, visiter le lieu de leur ancienne retraite. Ces deux religieux se nommaient Baudoin et Gondouin. Ils trouvèrent les ruines de leur monastère cachées sous les ronces ; mais, sans perdre courage, ils essayèrent de déblayer ce lieu dévasté, et parvinrent à découvrir un autel qu’ils dégagèrent du reste des décombres, et qu’ils protégèrent en l’ombrageant de rameaux. Grâce à l’assistance de quelques bons villageois, ils se construisirent ensuite une petite cabane pour s’y loger.

Cependant le duc Guillaume, étant venu chasser dans la forêt de Jumiéges, fut curieux de voir les ruines de la célèbre abbaye. Il rencontra les deux saints vieillards, qui lui offrirent l’hospitalité dans leur cabane, et lui présentèrent les seuls aliments qu’ils eussent à leur disposition : un pain d’orge noir et de l’eau ; leur nourriture habituelle était réduite à ce strict nécessaire. Le duc refusa avec dédain ce chétif repas, et, quittant les religieux, il alla continuer la chasse dans la forêt. Il n’avait fait encore que très peu de chemin, lorsqu’un sanglier, débouchant tout-à-coup, vint se jeter sur lui. Le duc essaya de se défendre à l’aide de l’épieu qu’il portait ; mais le bois de cette arme se rompit. Alors, Guillaume se trouva renversé de son cheval, et perdit subitement connaissance. En revenant à lui, il ne sut point comment le sanglier l’avait épargné, mais il ne se sentit cependant aucune blessure dangereuse. Le duc, en réfléchissant à cette aventure, reconnut que la périlleuse rencontre qu’il venait de faire était une punition de Dieu, à cause de l’offense dont il s’était rendu coupable envers les religieux, en méprisant leur offre

    tradiction avec lui-même, puisqu’il avait dit précédemment, lib. II, ch. xviii, que l’église de St.-Pierre et St.-Aicadre de Jumiéges avait été désignée à Rollon, lors de son baptême, comme une de celles qui méritaient d’avoir part à sa munificence.