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CHAPITRE XVI.

sait, en apparence, de tous les moyens de succès. D’un côté, une troupe de possédées, recommandables par leur attitude et par leur nombre : rien moins, filles et femmes, que la totalité des habitantes de la paroisse de Bully ; puis, un directeur, l’abbé d’Esquinnemare, prieur et curé de Bully, habile à ébruiter le scandale, à exploiter l’extravagance, à souffler la calomnie ; enfin, de l’autre côté, et pour faire face à tous, un humble laboureur, Laurent Gaudouët, prétendu sorcier, destiné à servir de point de mire à toutes les accusations mensongères que peut inventer une haine aveugle, servie par un fanatisme ignorant et stupide. Malgré l’inégalité des deux parties qui invoquaient son autorité, le Parlement de Normandie, instruit par l’exemple du passé, sut tenir d’une main ferme et droite les balances de la justice. L’innocence de Gaudouët fut pleinement reconnue, l’abbé d’Esquinnemare, en punition de ses allégations calomnieuses, qui avaient trouvé un écho complaisant dans la bouche de chacune des prétendues possédées, alla subir une longue détention dans le prieuré de Bourg-Achard, prison ordinaire des prêtres et des moines du diocèse de Rouen[1].

On voit, par ce nouvel exemple, que le Parlement avait complètement réformé son ancienne méthode, lorsqu’il s’agissait de prononcer un jugement relatif aux possessions. Quant à la juridiction ecclésiastique, elle ne se montrait aussi, ni moins équitable, ni moins éclairée en semblable matière, comme il le sera prouvé au sujet des demoiselles de Leaupartie. Nous allons donner quelques détails sur cette possession, la dernière qui eut lieu dans notre province, et dont le récit nous paraît propre à servir de thème pour résumer les aperçus critiques que doivent suggérer de semblables évènements.

Vers le commencement de l’année 1723, la mort de M. Robert Le Guai, curé des Landes, laissa cette paroisse sans

  1. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. V, p. 733.