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POSSESSIONS.

taines femmes, suscitèrent encore de zélées imitatrices des religieuses de Louviers. Ce fut d’abord une Marie des Vallées, de Coutances, qui voulut faire, du scandale de sa possession, un témoignage de sa propre sainteté. Cette fille avait réussi déjà à exciter au plus haut degré l’étonnement, et à occasionner beaucoup de rumeur, lorsqu’elle s’avisa, dans un de ses moments d’inspiration diabolique, d’accuser de sortilège un gentilhomme qui l’avait offensée par quelques moqueries irrévérencieuses. Celui-ci, effrayé des conséquences possibles d’une si noire calomnie, prit les devants, dénonça Marie des Vallées comme magicienne, au Parlement de Rouen. Le procès était engagé, et tout porte à croire que le bûcher en aurait été l’issue, s’il n’avait été dûment constaté que l’accusée portait une marque d’innocence qui la mettait au-dessus de tout soupçon. La doctrine des démonologues était, en effet, absolue en ce point : que la virginité est incompatible avec la magie et les sortilèges[1].

Marie Bucaille, autre prétendue sainte et prophétesse, eut un sort bien différent. Les juges de Valognes, tournant de bien en mal tous les miracles de la sainte, ne voulurent la considérer que comme possédée et sorcière, et l’ayant convaincue, en plus, d’inceste spirituel avec le cordelier Saulnier, son confesseur, la condamnèrent, ainsi que son complice, à la potence, avec amende honorable. Indignée de cet arrêt, Marie Bucaille fit appel au Parlement de Normandie. Mais le jugement du tribunal suprême fut plus navrant encore ; quoiqu’il ne reconnût qu’un seul crime évident parmi ceux dont on accusait la sainte, elle n’en fut pas moins condamnée, en expiation, à être fustigée et bannie. Cinq ans plus tard, à son lit de mort, Marie Bucaille eut la bonne foi de confesser que les clauses de ce dernier arrêt étaient parfaitement justes[2].

L’année 1720 vit éclore une nouvelle possession qui dispo-

  1. Floquet, Histoire du Parlement de Normandie, t. V, p. 715.
  2. Idem, ibid., p. 730.