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POSSESSIONS.

cette marque existait à la place indiquée, et constatèrent son insensibilité.

Madeleine et les religieuses possédées révélèrent aussi la composition des charmes, au moyen desquels on avait tenté de pervertir le monastère. La plupart de ces charmes, suivant ce qu’elles disaient, étaient composés avec des hosties mêlées de choses sales et honteuses : du poil du bouc qu’on adorait dans le sabbat, des parties internes des enfants nouveaux nés, ou même de quelques autres personnes qui avaient été immolées dans les cérémonies impies que les magiciens célébraient entr’eux. On appliquait les charmes sur un papier contenant une formule de blasphème ou de renonciation à Dieu ; le tout était entouré de ligatures de fil ou de soie. Les exorcismes firent connaître ensuite qu’il y avait eu six charmes principaux déposés dans le monastère : le premier avait été composé pour entretenir, parmi les religieuses, une dissension perpétuelle ; le second, à dessein d’exciter dans leur cœur une affection déréglée pour le magicien Picard et la magicienne Madeleine Bavent ; le troisième, pour combattre la chasteté ; le quatrième, pour inspirer des blasphèmes contre Dieu, et donner l’aversion de la foi, de l’espérance et de la charité ; le cinquième, pour susciter un violent désir de s’initier à la magie, et d’aller au sabbat ; le sixième, pour produire dans l’ame des religieuses le mépris et l’horreur de tous les sacrements, mais principalement de celui de l’adorable Eucharistie. Les démons s’exercèrent à décrire la composition précise de ces différents charmes, et Léviathan et Putiphar, c’est-à-dire sœur Anne de la Nativité et sœur Marie du Saint-Sacrement, promirent de les tirer du lieu où ils avaient été déposés, et de les livrer au public. Il fallait une ruse et des stratagèmes bien habiles pour réussir dans ce dessein, car tous les charmes devaient se trouver en des endroits séparés, à une grande profondeur dans la terre ; si bien qu’il eût été impossible d’y pratiquer des fouilles, sans que ce travail préparatoire eût été remarqué. Ajoutez à cela que les charmes n’étaient pas tirés par la main des religieuses,