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CHAPITRE XVI.

gieuses, Simonne Gaugain, célèbre depuis sous le nom de Mère Françoise-de-la-Croix, avait rompu tout-à-coup avec le directeur, et déserté le monastère de Louviers, accompagnée de plusieurs de ses novices, pour se choisir à Paris une nouvelle retraite. Sa fuite fut attribuée au désir de se soustraire à une pernicieuse influence qui, déjà peut-être, l’avait entraînée à de criminelles erreurs. S’il en fut ainsi, cette mesure de prudence et de repentir n’eut qu’un succès temporaire : Simonne Gaugain ne devait point échapper au contre-coup humiliant et funeste des orages qui allaient bouleverser le monastère de Louviers.

Après la mort de David, la direction des religieuses fut confiée à Mathurin Picard, curé du Mesnil-Jourdain. Mais, durant l’époque qui précéda l’installation de ce nouveau directeur, le mal avait fait de rapides progrès. La révolte était devenue ostensible, et la volonté d’un homme ne suffisait plus pour arrêter les graves désordres qui se manifestaient dans un lieu choisi pour être l’asile de la ferveur et de la soumission religieuses. Est-il vrai, encore, que Mathurin Picard, héritant des traditions corruptrices de David, ait aggravé, au profit de ses passions, cette criminelle dépravation ? Au milieu de cet échafaudage d’accusations aussi absurdes que monstrueuses, dressé à l’encontre des premiers directeurs du monastère de Louviers, un point, ce nous semble, restera toujours bien difficile à éclaircir : celui où finit le mensonge, où commence la vérité. Quoi qu’il en fût de la conduite secrète de Picard, il mit cependant assez de prudence et de zèle extérieur, dans les affaires de sa direction, pour que l’évêque d’Évreux se crût autorisé à le féliciter publiquement. Mais, comme il était arrivé à son prédécesseur, la mort, et une mort qui eut toutes les apparences de la sainteté, enleva bientôt l’infortuné Picard aux difficultés de sa fonction. Lorsqu’il sentit son dernier moment approcher, il demanda à être enterré dans l’église du monastère, auprès de la grille du chœur. Mais, cette tombe qu’il s’était choisie dans l’espoir d’y goûter, à l’abri d’une ombre