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SORCIERS, SORTILÈGES.

Était-ce une suite de sa chute ou de sa peur ? Nous ne saurions le dire. Toujours est-il que le diable ne gagna rien à ce méchant trait ; le bon ménétrier était trop bien mis en garde par ses souvenirs, pour négliger quelques-unes des saintes préparations que nécessite une mort vraiment chrétienne.

On attribue, à des raisons de conscience, l’extrême réserve avec laquelle les prêtres font usage de leur pouvoir sur Satan, dont ils pourraient tirer un parti si favorable pour le soulagement des malheureux ensorcelés. Mais, malgré son respect pour des scrupules que ses préjugés lui expliquent d’une manière pleinement convaincante, le villageois murmure, en secret, de ce qu’un excès de zèle, en faveur de ses paroissiens, ne réussit point à entraîner le pasteur au delà de la stricte limite de son devoir. Aussi, pour faire taire de semblables murmures, et, en même temps, pour arracher des esprits abusés aux erreurs qui les inquiétaient, des prêtres eux-mêmes ont été obligés quelquefois de se prêter, par un manège adroit, aux vues superstitieuses de la population dont ils étaient environnés. C’est ainsi que s’est établie la réputation de sorcellerie d’un de nos modernes antiquaires, M. Rever, qui s’était retiré des fonctions ecclésiastiques, après avoir été curé de la paroisse de Conteville, et sur lequel on nous a fourni certains détails qui pourront faire connaître au lecteur à quel degré de crédulité se rapetisse encore aujourd’hui l’esprit de nos villageois.

M. Rever était adonné à quelques études scientifiques, entre autres à la physique et à la chimie, sciences merveilleuses et suspectes, s’il en fut jamais, aux yeux prévenus de tous ces bons villageois qui n’ont pas encore eu part à la diffusion des lumières. Aussi M. Rever fut-il généralement considéré, dans le voisinage, comme un adepte de la sorcellerie. Long-temps, il se défendit contre cette singulière réputation, et refusa d’entendre les clients nombreux qui venaient se réclamer de sa science, mais, s’apercevant enfin qu’il était impossible de les dissuader de leur folle conviction, et qu’il épuisait son fran-