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CHAPITRE XV.

Celui-ci protesta qu’il pourrait entreprendre la guérison, du moment où l’on aurait remis entre ses mains l’extrait d’âge du malade. On obéit sans retard à cette demande, et huit jours s’étaient à peine écoulés que notre maléficié quittait l’hospice et retournait dans ses foyers, non point encore entièrement rétabli, mais déjà dans un état de santé présentant une amélioration assez sensible pour dissiper toute inquiétude. Le lendemain de son arrivée, notre villageois se rendit vers le soir à la cabane du maître sorcier, obéissant à une recommandation formelle qu’il avait reçue.

On était alors aux jours les plus froids de l’hiver ; la cabane était plantée comme d’ordinaire au milieu des champs. Cependant, sans se soucier des intempéries de la saison, le sorcier, nu jusqu’à la ceinture, était assis sur un banc dans l’intérieur de la cabane, et lié à un poteau au moyen d’une chaîne de fer, comme s’il eût voulu se fixer à la tâche qu’il avait entreprise par une force plus puissante que sa volonté même. Il lisait très attentivement un grimoire qu’il tenait à la main, et, telle était l’énergie de la lutte mystérieuse qu’il avait à soutenir, que la sueur ruisselait en grosses gouttes sur son corps, comme s’il eût été inondé par une pluie d’orage. Quand il eut achevé sa lecture, il interrogea son client, pour savoir s’il connaissait la personne qui lui avait jeté un sort. Non, répondit celui-ci. — « Eh bien ! regarde dans cette glace, » reprit le sorcier, en désignant un miroir de moyenne grandeur, suspendu en face de la place où lui-même était assis. Le villageois regarda avec inquiétude, et vit se dessiner au fond du miroir l’image de son camarade, chez qui il s’était arrêté et avait bu quelques mois auparavant. « Veux-tu que je rejette le sort sur lui ? s’écria le sorcier. — Oh ! non, dit le bon villageois, vraiment chrétien de cœur et de sentiments. — Eh bien, je rejetterai le sort sur un chien, et la bête en mourra ; toi, avant peu de jours, tu seras entièrement guéri. Maintenant, si tu veux voir le diable qui est venu à mon aide, j’ai le pouvoir de le faire apparaître aussi dans ce miroir. »