Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/287

Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
CHAPITRE XIII.

muait avec un bâton de chêne, à la superficie de l’eau seulement. L’eau agitée laissait échapper une vapeur subtile, semblable à un brouillard ; celui-ci produisait une nuée, qui se dilatait, se réunissait à d’autres nuages, et bientôt versait la pluie en abondance[1].

Les sorcières du moyen-âge, qui empruntaient leurs secrets à des traditions multiples, renchérissaient originalement sur le procédé du prêtre de Jupiter Lycien ; nous en trouvons la preuve dans ce que Burchard nous rapporte des manœuvres auxquelles se livraient les femmes de son temps, lorsqu’elles voulaient obtenir de la pluie. Ces femmes faisaient assembler plusieurs jeunes filles, parmi lesquelles on en choisissait une pour chef, que l’on faisait déshabiller. On se mettait ensuite à la recherche d’une plante de jusquiame ; lorsqu’on l’avait trouvée, on conduisait auprès la jeune fille nue, et on lui faisait arracher cette herbe avec le petit doigt de la main droite, pour la lui nouer ensuite au petit doigt du pied droit. Alors, toutes les jeunes filles, étant armées de verges, introduisaient dans une rivière leur compagne, qu’elles aspergeaient avec beaucoup de zèle, et, cette cérémonie achevée, elles ramenaient la pauvre victime, toujours nue, depuis la rivière jusqu’à leurs habitations, en la contraignant de marcher à la manière des écrevisses[2].

Une superstition des habitants de la Sologne, département du Loiret, nous offre un rapport exact avec la tradition classique. On croit, dans cette contrée, que certaines familles sont privilégiées pour exciter et gouverner les tempêtes. Les membres de ces familles doivent se réunir, au moins à trois, près de l’étang de Bois-Gibaut. Ces magiciens tiennent à la main de grands battoirs, au moyen desquels ils frappent l’eau et la font jaillir à plus de trente pieds de hauteur, en accompagnant ce travail de cris et de hurlements affreux.

  1. Pausanias, In Arcadicis, cité par Le Loyer, Disc. des Spect.
  2. Burchard, Canones, l. xix, f° 201 de l’édit. de Cologne, 1548, in-fo.