Page:Bosquet - La Normandie romanesque.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
247
ESPRITS MÉTÉORES.

On donne, en Normandie, divers surnoms au feu-follet : c’est tantôt le Feu errant, le Faulau, tantôt la Fourlore, la Fourolle, suivant le sexe[1]. Dans la Basse-Normandie et dans le Perche, c’est la Fêlo[2] ; enfin, on connaît le feu-follet, dans le département de la Seine-Inférieure, sous le nom de Rouge-Goule[3].

Suivant les traditions du département de l’Orne, les feux-follets sont les âmes des prêtres qui se sont damnés en péchant contre la chasteté. En Haute-Normandie, le feu-follet est particulièrement du sexe féminin : c’est l’ame d’une femme condamnée à courir en fourolle, pour expier l’amour sacrilège qu’elle a accordé à un ministre du Seigneur. Ce préjugé a tant de force que, dans les environs de Saint-Valery-en-Caux, il est d’usage de désigner charitablement les jeunes filles que l’on soupçonne coupables de ce crime par le surnom de Fourolle, ajouté à leur prénom ; on dit : c’est la fourolle Marie, c’est la fourolle Jeanne. Ce trait sanglant passe de bouche en bouche, et devient bientôt un stigmate indélébile attaché au front de ces malheureuses victimes de la médisance villageoise. Dans l’arrondissement de Pont-Audemer, on croit que même les femmes vivantes peuvent courir en fourolle ; leur transformation nécessite des préliminaires analogues à ceux qui aidaient à la métamorphose du Bisclavaret.

Le soir venu, la femme soumise à cette bizarre pénitence s’échappe de sa maison furtivement, et va se réfugier dans quelque excavation où les regards indiscrets ne peuvent la surprendre. Là, elle se déshabille, met en ordre ses vêtements, les plie avec soin, comme si ces habits, consacrés au travail quotidien, recélaient quelque arôme purifiant de

  1. Le lexicographe Nicot fait venir le nom de Fourolle, de Pharol, qui signifie la lanterne d’un port ou d’une galère capitanasse, d’où sont venus Pharot et Phalot signifiant la même chose. Ce qui sert à confirmer cette assertion, c’est que Faulau, autre surnom des feux-follets, est l’équivalent exact de Phalot.
  2. G. Vaugeois, Hist. des antiquités de la ville de l’Aigle, p. 586.
  3. Goule, dans le patois normand, signifie gueule.