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LOUPS-GAROUS.

de conduite. Elle lui envoya un message pour l’inviter à se rendre auprès d’elle, et lui apprendre qu’elle était prête à accepter son amour et ses services. Le chevalier accourut avec empressement. L’entrevue fut décisive : ils échangèrent grand nombre de serments, et, l’intimité se trouvant suffisamment établie, la dame enjoignit au chevalier d’aller chercher les vêtements de son mari, à l’endroit où ils étaient déposés ; en même temps, elle lui fit connaître ce qu’il adviendrait de cette démarche. Depuis ce jour, le noble seigneur ne reparut plus : ses amis et ses parents le cherchèrent en vain ; mais, quelque temps après la perte de son mari, la dame épousa le chevalier dont elle était aimée.

Sur ces entrefaites, le roi, qui, depuis un an, n’avait pas été à la chasse, fut désireux de prendre ce divertissement. Il se rendit dans la forêt où se cachait le Bisclavaret, que les chiens découvrirent aussitôt qu’ils furent découplés. On poursuivit tout le jour le pauvre animal ; déjà il avait reçu plusieurs blessures ; les chiens l’attaquaient avec acharnement, et les chasseurs allaient lui faire un mauvais parti, lorsqu’il aperçut le roi. Sans tarder, le Bisclavaret courut demander protection au prince :

Desi qu’il ad le Roi choisi ;
Vers li curut querre merci,
Il l’aveit pris par l’estrié,
La jambe li baise è le pié.

Le roi eut d’abord une grande frayeur, mais bientôt, ayant repris son sang-froid, il fut émerveillé de sa capture ; il ordonna qu’on revînt au château, disant que la journée avait été assez favorable, qu’il n’était pas besoin de chasser davantage. Le Bisclavaret devint le favori de toute la cour ; il passait le jour au milieu des chevaliers, et ne couchait jamais qu’aux pieds du monarque.

Or, voici ce qui arriva pendant une cour plénière tenue par le roi, à laquelle, pour plus de solennité, il avait invité tous ses